D’un côté, il y a les représentations sociales, les idées préconçues véhiculées par le langage courant et les médias : « monstre, prédateur, pervers ». Autant de mots pour mettre à distance, tenir loin de soi quelque chose qui fait peur et répugne. De l’autre, il y a une réalité complexe, tout aussi dérangeante que rassurante : l’auteur de violences sexuelles n’est pas forcément le pervers qui attend, à l’affût, au coin de la rue. Bien souvent c’est un peu Monsieur ou Madame tout le monde, une personne que l’on côtoie au quotidien, qui est en proie aux doutes, aux remords, à la culpabilité ou qui, dans une forme de déni, pourra invoquer l’amour et le consentement. Difficile d’admettre que ces personnes ont, elles aussi, besoin d’aide alors que bien souvent leurs victimes peinent à simplement se faire entendre et reconnaître en tant que telles. Pourtant, ce n’est pas par la simplification à outrance, la catégorisation ni même l’indignation qu’il sera possible de faire avancer les choses, de prévenir les passages à l’acte ou les récidives. L’équipe pluridisciplinaire du
Centre Ressources pour les Intervenants de la Région PACA dans la prise en charge des Auteurs de Violences Sexuelles (CRIR-AVS PACA) en sait quelque chose, elle qui a pour mission de former et informer les professionnels impliqués dans les champs de la santé, de la justice, de l’accompagnement social et de la prévention.
Pour Aurélie MAQUIGNEAU, psychologue clinicienne et sexologue,
« une grande partie du travail consiste à faire prendre conscience de ces représentations stéréotypées. C’est un cheminement nécessaire pour tous les professionnels confrontés à des auteurs de violences sexuelles, sans quoi ils ne pourront correctement exercer leur fonction. On me demande souvent de dresser un profil type. Il n’y en a pas. Il s’agit d’une population très hétérogène, aux trajectoires de vie très variées.»
L’expression « violences sexuelles » désigne également un grand nombre d’actes et de comportements, renvoyant à une pluralité de définitions légales, médicales et psychologiques. Le CRIR-AVS PACA fait partie d’un réseau de Centres Ressources de service public répartis dans toute la France et rattachés à des établissements de santé. Ce réseau a justement été créé pour apporter une expertise interdisciplinaire et un soutien aux dispositifs de soins. Établi à l’Hôpital Sainte-Marguerite, le CRIR-AVS PACA est actif dans toute la région et peut être sollicité à tout moment par des structures ou des professionnels pour une formation, un accompagnement ou des conseils, sans contrepartie financière. Bien que non-effecteur de soins, le CRIR-AVS PACA a pu recenser le dispositif de prise en charge régional et peut orienter vers des professionnels aguerris.
Les objectifs sont multiples : développer et améliorer les prises en charge thérapeutiques, mettre en lien les différents acteurs, favoriser la recherche, les échanges, développer de nouvelles pistes de réflexion et surtout faciliter l’accès aux soins car ils limitent considérablement les risques de passage à l’acte et de récidive. Bien entendu, la prévention est également au cœur des missions du CRIR-AVS PACA.
« Prenons l’exemple des personnes attirées sexuellement par les enfants, ou par un enfant. Perturbées par leurs pensées et leurs désirs, en recherche de soins et d’écoute, elles vont parfois devoir sonner chez 6 ou 7 professionnels avant d’en trouver un qui accepte de les prendre en charge pour ce type de problématique. Beaucoup renoncent avant. Pourtant, dans l’immense majorité des cas, quelqu’un qui ne va pas passer à l’acte c’est quelqu’un qui aura su parler, que l’on aura su écouter. L’expression est très parlante : on passe à l’acte car on n’a pas de mots. » explique Aurélie MAQUIGNEAU.
Dans cette optique d’agir à la source des violences sexuelles pour limiter leur survenue, un Service Téléphonique d’Orientation et de Prévention (« S.T.O.P. ») destiné aux personnes sexuellement attirées par des enfants a été créé. Désormais actif à l’échelle nationale après une année d’expérimentation, il permet aux appelants, en renseignant le numéro de leur département, d’être orienté directement vers un interlocuteur de leur région. Au CRIR-AVS PACA c’est Fabienne CLERGUE, secrétaire et écoutante, qui reçoit en premier lieu les appels :
« Des dispositifs similaires sont actifs depuis longtemps en Allemagne et en Angleterre, où ils ont déjà largement fait leurs preuves. J’écoute d’abord quelle est la demande et en fonction de la problématique, je partage les coordonnées d’un professionnel ou fixe un rendez-vous téléphonique avec un soignant de l’équipe. A terme, l’objectif est d’inciter la personne à consulter un professionnel proche de son lieu de résidence pour amorcer un véritable suivi. Nous avons fait un gros travail de recensement auprès des professionnels libéraux et des institutions de la région, de manière à disposer d’un réseau de prise en charge aussi étendu que possible. »
Soutenue par Adrien TAQUET, Secrétaire d’État chargé de l’Enfance et des Familles auprès du Ministre des Solidarités et de la Santé, l’initiative a été conçue en lien avec les associations d’aide aux victimes (
France Victimes ). La campagne de sensibilisation qui l’accompagne a également été soumise pour amélioration aux associations de victimes, d’aide aux victimes et de protection de l’enfance, ainsi qu’à des patients qui auraient pu être concernés.
En développant ainsi l’accès aux soins et la formation des professionnels, en favorisant les collaborations et le maillage santé-justice, l’équipe du CRIR-AVS PACA réalise un travail de fond considérable, aussi essentiel qu’exigeant. Ces actions s’accompagnent de la mise à disposition pour les étudiants, professionnels et chercheurs d’une documentation spécialisée, ainsi que de l’organisation de colloques et journées de réflexion. Des ressources pour se situer, toujours, du côté de l’humain.
Le CRIR-AVS PACA est un service hospitalier des Hôpitaux Universitaires de Marseille existant depuis 2008 et composé d’une équipe pluridisciplinaire (psychiatres, psychologues, juriste..). Il est dirigé par le Professeur Christophe LANÇON et le Docteur Catherine PAULET.