Dans son regard on peut encore lire une forme d’étonnement. Ou plutôt la stupeur. Il revient de loin.
Maurice, 64 ans, est hospitalisé au sein du service de Cardiologie et médecine vasculaire du Pr Jean Claude DEHARO à la Timone. Il se remet doucement de quatre semaines qui ont sans nul doute constitué l’expérience la plus éprouvante de son existence.
Il sortira peut-être la semaine suivante, si son état continue de s’améliorer. Quand on se réveille d’un cauchemar il faut toujours quelques instants pour reprendre pied, mais on réalise rapidement que tout est là comme avant, intact. Alors on reprend le cours de sa vie comme si de rien n’était. Maurice, lui, ne le peut pas. Ce qu’il a vécu était terriblement réel et l’a marqué pour toujours.
« Vous savez beaucoup d’amis l’ont eu avant moi. Chez eux ça n’a duré qu’une semaine, peut-être quinze jours… et puis ils se sont remis comme ça, sans complication. Je pensais... je me disais que ça serait pareil pour moi… »
Maurice a développé une forme grave du COVID début décembre. Il n’était pas vacciné.
Cas contact familial, il se fait tester fin novembre. A sa grande surprise le test est positif mais il ne s’inquiète pas outre mesure. Il suit simplement les recommandations et s’isole autant que possible chez lui, à Mallemort.
« En fait, je me sentais en super forme. Mais mon état a basculé brutalement. Pendant quatre jours, on m’a mis sous oxygénation à domicile. Puis on m’a emmené à l’Hôpital de Salon où j’ai été placé sous oxygénation à haut débit. Rien n’y faisait, mon état se dégradait toujours. »
Il est finalement transféré en réanimation dans le service du Professeur Lionel VELLY à l’Hôpital de la Timone.
« A mon arrivée on me met sous perfusion, j’essaye de me dire ok maintenant ça devrait aller. Mais tout à coup ma main devient glacée, j’ai des fourmis au bout des doigts. Pas les fourmis comme on connaît, quelque chose de vraiment très fort et douloureux. »
L’équipe lui fait passer un scanner et dans l’heure qui suit, Maurice se retrouve au bloc, pris en charge par l’équipe de chirurgie vasculaire du Pr Michel BARTOLI.
« Son ischémie aigüe au niveau du bras était due à une thrombose artérielle et il a frôlé l’amputation » explique le Pr Gabrielle SARLON. « Mais ce n’était pas le seul caillot présent : un caillot a migré dans le cerveau, il a d’ailleurs fait un petit AVC qui heureusement ne lui laissera pas de séquelles. D’autres caillots sont partis dans la rate, ainsi que les reins. »
En écoutant la description du Pr SARLON, Maurice secoue la tête. C’est quelque chose qu’il a déjà entendu à plusieurs reprises mais à chaque fois il est sidéré. De ce qu’il a traversé, d’être encore là pour l’évoquer.
« Je ne savais pas. Pour moi, le COVID ça pouvait toucher les poumons, c’est tout. Les risques de développer des caillots, personne en parle ! Et vous savez les vaccins on n’en a pas bien parlé non plus. D’abord au départ il y en avait cinq. J’hésitais, j’entendais des gens, même des médecins, dire que ça pouvait causer des problèmes. Maintenant je n’hésiterais plus une seconde. D’ailleurs je vais vous raconter une anecdote. Quand je suis arrivé à Salon il y avait un ami à moi, hospitalisé lui aussi. Il était vacciné, il est resté quatre jours à l’hôpital, quatre. Moi je suis là depuis quatre semaines. Celui qui se fait vacciner il a la vie devant lui. Celui qui ne se fait pas vacciner il joue à la roulette russe. »
Entre les grandes campagnes d’incitation et la désinformation qui n’a cessé de circuler, les explications claires, étayées scientifiquement par la pratique et la recherche comme celles que le Pr Gabrielle SARLON est en mesure d’apporter, n’ont peut-être pas eu suffisamment d’écho :
« Le vaccin Astra Zeneca s’est vu imputer la responsabilité de thromboses veineuses cérébrales liées à une réaction allergique extrêmement rare des plaquettes chez des personnes de moins de 55 ans. C’est pourquoi ce vaccin a été ensuite réservé aux 55 ans et plus. Cela a malgré tout suscité une méfiance, même à l’égard des autres vaccins. Mais il faut savoir que le COVID a été responsable d’un nombre très élevé d’embolies pulmonaires dues à des thromboses veineuses. Au départ nous étions confrontés à ce type de complications dans 30 à 50% des cas. L’expérience chinoise a rapidement permis de déterminer comment améliorer la prise en charge avec, dès l’admission en réanimation, l’administration d’anticoagulants. Des scanners sont également réalisés de manière systématique pour détecter ces thromboses éventuelles. Dans le cas de Maurice, le site de la thrombose est plus rare mais plus grave : les artères. Si le gros caillot parti dans le bras était allé dans le cerveau, il serait sûrement paralysé à l’heure qu’il est. Le dernier scanner de contrôle montre une nette amélioration. Il a vraiment eu de la chance et je crois que c’est aussi pour ça qu’il souhaitait témoigner, un peu comme une thérapie. En tant que spécialiste en médecine vasculaire j’ai aussi beaucoup de patients qui ont des antécédents d’embolie pulmonaire ou de phlébites et qui ont peur du vaccin alors qu’au contraire, se faire vacciner est pour eux d’autant plus important, étant donné ce risque élevé de thrombose veineuse ou artérielle en lien avec le COVID. »
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