Plus de 5% de la population française suit un traitement médicamenteux pour soigner cette maladie métabolique. En PACA, le nombre de nouveaux patients explose. En particulier chez les enfants. Si la maladie progresse, de nouvelles innovations débarqueront bientôt.
Annoncé comme une épidémie, le diabète gagne encore du terrain. C’est l’enseignement du dernier bulletin épidémiologique de Santé Publique France alors que se tient, ce 14 novembre, la journée mondiale. Le cap des 4 millions de patients traités pour la maladie, en France, sera bientôt dépassé. Un état des lieux bien en dessous de la réalité selon les estimations de l’institution puisqu’elle estime aussi à 700.000, le nombre de personnes non diagnostiquées. Plus alarmant, les prédictions de la Fédération internationale du diabète. Elle prévoit qu’un adulte sur dix environ sera concerné d’ici à 2045 dans le monde.
Autre indication dans les dernières études chiffrées, la prévalence du diabète s’accroît de manière constante de 2,5 à 3 % chaque année. Plus inquiétant, la région PACA serait l’un des territoires les plus touchés. C’est ce que confirment les équipes de diabétologie et d’endocrinologie de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille (AP-HM). La progression du diabète y serait même redoutable, particulièrement dans sa forme auto-immune.
À la différence du diabète de type 2, lié essentiellement au mode de vie et principalement à l’alimentation, à la sédentarité et aux problèmes de poids, le diabète de type 1 est une maladie autoimmune liée à une anomalie de la régulation de la glycémie.
« Il survient à la suite d'une réaction anormale du système immunitaire qui détruit les cellules du pancréas qui produisent l’insuline et représente 6% des personnes diabétiques », indique-t-on. « C’est le diabète le plus fréquent chez l’enfant et l’adolescent », rappelle le Pr Anne DUTOUR, cheffe du pôle d'endocrinologie, nutrition, diabétologie et obésité de l’AP-HM.
Si le diabète de type 2 représente neuf cas sur dix, celui de type 1, progresse d’environ 4,5 % par an en France. Mais ce qui alerte les spécialistes marseillais, c’est un taux d’incidence en PACA supérieur à la moyenne nationale chez les enfants.
« En France, il y a une augmentation du nombre de diabètes de type 1 chez les enfants qui est de plus de 4 % par an, atteste le Pr Rachel REYNAUD, cheffe du service de pédiatrie multidisciplinaire à la Timone-Enfants [3]. Le dernier bulletin de Santé Publique France qui vient d’être réactualisé, montre qu’il y a eu 17.000 nouveaux cas entre 2010 et 2017, ce qui place la France dans la moyenne internationale en termes de taux d’incidence. En revanche, la région PACA se classe parmi les plus forts taux d’incidence du monde. Nous enregistrons en moyenne 20 nouveaux cas pour 100.000 enfants alors que la moyenne nationale est à 17. »
Si le diabète de type 1 se caractérise par une destruction des cellules d’insuline dans le pancréas, l’origine de cette maladie n’est pas clairement établie.
« L’apparition de la réaction auto-immune à l’origine du diabète de type 1 pourrait dépendre de l’association de gènes de prédisposition et de facteurs environnementaux » ; parmi les autres hypothèses évoquées, les virus qui participeraient à la destruction des cellules du pancréas. Pour preuve, une hausse sensible des cas de diabète de type 1 chez des patients sans antécédents, depuis le début de la pandémie de COVID, a été rapportée.
Aujourd’hui, parmi les facteurs de risque, l’exposition à la pollution est pointée du doigt. Les dernières études publiées viennent corroborer ce que les scientifiques suspectaient déjà.
« Le nouveau bulletin de Santé Publique France montre que vivre dans une zone urbaine avec certaines expositions à certains polluants, comme les pesticides ou le dioxyde d'azote, peut expliquer cette augmentation. La région PACA avec les Hauts-de-France et certaines zones d’Île-de France sont dans une situation de très forte incidence. Une donnée beaucoup moins marquée dans le diabète de type 2. »
Cela étant, restons optimistes car, même si le diabète progresse, les innovations aussi. Aujourd’hui, la bataille du diabète de type 1 se joue de plus en plus dans les dispositifs médicaux qui allient intelligence artificielle (IA) et pompe à insuline.
« Parmi les dernières innovations, il y a les pompes à boucles semi-fermées. Ces pompes adaptent le débit d’insuline, traitement de base du diabète de type 1, en fonction du taux de glycémie mesuré par un capteur. Il existe trois modèles qui peuvent être proposés dès l'âge de 2 ans pour l’un des systèmes et à partir de 5 ou 6 ans pour les deux autres. Ils offrent des bénéfices indéniables et notamment ils soulagent la charge mentale des familles et permettent une meilleure qualité de sommeil chez les enfants et les parents. On obtient une stabilité de glycémie comme jamais obtenue auparavant », précise le Pr REYNAUD.
L’avenir dans le diabète de type 1, c’est aussi la possibilité de réaliser des dépistages précoces.
« Quand le patient est en phase d’hyperglycémie présymptomatique, on peut chercher la présence d’anticorps afin de prescrire un nouveau traitement permettant de retarder d’au moins deux ans, l’apparition de la maladie. Ces traitements sont déjà remboursés aux États-Unis depuis l'année dernière. Ces traitements mis en place précocement sur un dépistage organisé est en cours de mise en place en France. Il concernerait notamment les fratries et les enfants de patients atteints de diabète de type 1 », poursuit le Pr REYNAUD. Ce sont toujours deux années de gagnées avec moins de contraintes. Il faudra étudier par la suite les avantages à long terme.
Chez les adultes qui ont un diabète de type 1, les innovations sont sensiblement les mêmes.
« La nouveauté, ce sont les pompes à boucles semi-fermées, indique le Dr Audrey BEGU-LE CORROLLER, diabétologue à l’Hôpital de la Conception. Cette pompe intelligente calcule toutes les 5 minutes le débit de base en fonction de la tendance glycémique. Elle injecte toute seule la bonne dose au bon moment. La gestion du traitement, de même que l’anxiété liée à la maladie s’en trouvent allégées ».
Arrivés en France récemment, ces objets connectés auraient déjà séduit des milliers de malades.
Concernant le diabète de type 2, les traitements ont connu, eux aussi, un véritable bouleversement en 8 ans. Il y a eu cette première révolution avec l’apparition des agonistes du GLP-1 et des inhibiteurs de SGLT 2.
« Ces médicaments ont fait la démonstration de leur bénéfice au niveau cardiovasculaire et rénal, indépendamment de leur effet sur la glycémie », précise le Pr Patrice DARMON, chef du service de diabétologie à l’AP-HM (Hôpitaux Nord et Conception). Il annonce l’arrivée d’autres classes thérapeutiques « déjà commercialisées aux États-Unis ».
« Ce sont des molécules extrêmement puissantes, résume ce spécialiste. Elles ciblent à la fois la glycémie et le poids. Quand on sait que 80% des patients présentant un diabète de type 2 sont en surpoids ou présentent une obésité, c’est un traitement essentiel. »
Il s’agit d’un analogue du GLP-1, le sémaglutide. Dans le futur, ce sont des doubles agonistes des récepteurs des incrétines (agonistes GIP/GLP-1) qui montrent des résultats spectaculaires. Pour l’instant, le Tirzépatide n’est pas disponible en France. Il a des propriétés de perte pondérale de l’ordre de 15 kilos en moyenne. Ces traitements vont se positionner de façon concurrentielle à la chirurgie métabolique. Il faudra forcément encadrer ces patients. Ils vont changer la donne.
Pas encore sur le marché que déjà on parle de triples agonistes.
« Les résultats de l’étude de phase 2 montrent des résultats incroyables avec des pertes de poids massives. On parle de 15 à 20 kilos de perte de poids et des normalisations de l'équilibre glycémique », s’enthousiasme le Pr DARMON.
Si ces nouveaux traitements devraient offrir des stratégies plus individualisées aux patients diabétiques, reste à savoir comment pourront-ils bénéficier de ces nouveaux progrès ?
C’est tout l’enjeu du centre intégré de diabétologie au sein du centre inter-pôles mis en place récemment par l’AP-HM. Son objectif : proposer un traitement d’attaque.
« Le centre de prise en charge multi disciplinaire associe l’ensemble des services de diabétologie, pour adultes et enfants, de l’Assistance Publique pour traiter le diabète de type 1 et type 2 », explique le Pr René VALÉRO, chef du service de diabétologie à l’Hôpital de la Conception [4].
Toutes les facettes de la prise en charge du diabète de la pédiatrie à 99 ans seront proposées : prévention, dépistage, traitements innovants, ateliers d’éducation thérapeutique (ETP), accompagnement psychologique. Il y aura une coordination entre les différents intervenants avec des passerelles. Ce centre se coordonnera aussi avec les centres de santé déployés par l’AP-HM.
La bataille contre le diabète est déjà lancée.
Links
[1] https://fr.ap-hm.fr/print/822867
[2] https://fr.ap-hm.fr/printpdf/822867
[3] https://fr.ap-hm.fr/service/pediatrie-multidisciplinaire-hopital-de-la-timone
[4] https://fr.ap-hm.fr/service/endocrinologie-diabete-maladies-metaboliques-hopital-conception
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[8] mailto:?subject=Épidémie de diabète : les promesses de la recherche enfin tenues&body=https://fr.ap-hm.fr/print/822867