Le 16 avril, la flamme a été allumée dans le berceau antique des jeux, à Olympie. Après avoir, selon la tradition, été acheminée du Péloponnèse au Pirée, elle a traversé la Méditerranée pour arriver à Marseille le 8 mai. Des athlètes et sportifs se sont relayés pour lui faire parcourir la ville, puis différents départements de Provence-Alpes-Côte d’Azur, avant qu’elle poursuive son périple vers Paris. Symbole de paix et d’amitié entre les peuples, symbole aussi de cette volonté de se dépasser qui anime depuis toujours l’esprit sportif, son passage à Marseille et dans la région a constitué un événement exceptionnel, tout comme l’organisation par la suite des épreuves de voile. Le public attend ces moments de célébration, de festivité et d’exploits impatiemment. Les athlètes y ont consacré des années de préparation, de persévérance pour pouvoir donner le meilleur d’eux-mêmes et porter haut les couleurs de leur pays.
Les hospitaliers et l’ensemble des services de secours n’ont cessé, eux aussi, de s’entraîner, de se préparer sans relâche, mais à des épreuves d’une toute autre nature. Lors de manifestations de cette ampleur, les risques sont multiples et il convient de pouvoir faire face à toute situation avec la plus grande efficacité, c’est-à-dire aussi rapidement que possible et de manière parfaitement structurée, coordonnée, concertée. En tant qu’établissements de 1ère ligne (services d’accueil des urgences de Nord et Timone) et 2ème ligne, les Hôpitaux Universitaires de Marseille ont un rôle prépondérant en cas de Situation Sanitaire Exceptionnelle (SSE), non seulement à l’échelle de la ville mais aussi de toute la région. Comment se sont-ils préparés à toute éventualité ?
Toute concentration humaine importante est susceptible d’engendrer, en cas d’événement catastrophique, un afflux de victimes, malades ou blessés, parfois en urgence vitale absolue. Comment répondre à des besoins aussi importants et soudains tout en assurant la continuité des soins ?
Les dispositifs ORSEC (Organisation de la Réponse de Sécurité Civile) et ORSAN (Organisation de la Réponse du Système de Santé en Situations Sanitaires Exceptionnelles) donnent autorité à la Préfecture pour solliciter, coordonner et adapter l’activité de l’ensemble des acteurs sanitaires (en concertation avec l’ARS) et de Sécurité Civile en cas de crise majeure (attentat, catastrophe, accident…). Ces dispositifs impliquent des organisations d’ensemble opérationnelles et mobilisables à tout moment.
A l’AP-HM, la structuration de la réponse aux Situations Sanitaires Exceptionnelles (SSE) a commencé par la désignation d’un Directeur médical de crise (Pr Lionel VELLY, Chef de service Anesthésie Réanimation) et d’un Directeur de crise (Benoît CAMIADE, Directeur en charge de l’expérience patient, de la qualité, de la gestion des risques, des SSE, du service de radioprotection et de physique médicale). Ces fonctions ont ensuite été déclinées sur l’ensemble des sites hospitaliers. Les capacités et besoins de terrain peuvent ainsi être rapidement identifiés et analysés, les protocoles régulièrement actualisés. Le SAMU 13, dirigé par le Dr Fouzia HEIRECHE (Médecin Référent SSE de l’AP-HM et conseiller technique zonal auprès de l’ARS), est naturellement un maillon essentiel de tout le dispositif puisqu’il intervient au niveau pré-hospitalier par ses actions de secours, de régulation et d’orientation des victimes vers les services d’accueil des urgences.
« Le SAMU est à l’interface entre le plan ORSEC et le plan ORSAN, entre ce qui se produit hors de l’hôpital et à l’intérieur. A ce titre son rôle est aussi de transmettre toutes les informations dont les services d’accueil des urgences peuvent avoir besoin pour monter en puissance et gérer le surcroît de patients. » (Dr Fouzia HEIRECHE)
« Nous devons connaître nos moyens et capacités mutuels, le pré-hospitalier doit par exemple savoir combien de victimes en urgence absolue nous sommes capables d’accueillir en soins critiques sur la première heure. De la même manière, nos hôpitaux seront d’autant mieux préparés que nous aurons au plus vite connaissance des projections pré-hospitalières établies par le SAMU. Nous avons de fait une communication directe et permanente en cas de crise. » (Pr Lionel VELLY)
« Le SAMU, de par sa vocation zonale, est vraiment notre vigie sur l’extérieur. Il est associé à tout ce qui se produit sur le territoire et travaille main dans la main avec les autorités préfectorales, l’ARS, le Bataillon des Marins Pompiers et les autres structures, qu’elles soient associatives ou privées. » (Benoît CAMIADE)
La coopération et la circulation des informations, aussi bien avec les partenaires qu’entre le Directeur médical de crise, le Directeur de crise, la responsable du SAMU ainsi que leurs relais respectifs sur sites est en effet cruciale. Tous insistent beaucoup sur cet aspect : la collaboration ne saurait souffrir d’aucune compétition de territoire ni conflit d’ego. Il n’y a pas un élément plus important que l’autre et la transparence est de mise en toutes circonstances.
Chacun de ces risques a déjà fait l’objet d’un plan d’actions stratégiques visant à assurer la continuité de l’activité.
« Il y a plusieurs niveaux de réponse, avec des dispositions toujours prises en plus de celles du quotidien. En ce qui concerne le SAMU, la gestion de la régulation lors des JO sera assurée sur différents sites : la salle de crise du SAMU, le Centre Opérationnel Départemental de la Préfecture et les deux Postes de commandement qui seront situés à la marina et au stade. Nous aurons en outre un SMUR posté à la marina, un autre au stade Vélodrome et un dernier à l’Hôpital Sainte-Marguerite pour être en mesure de contrôler un éventuel afflux de patients. » (Dr HEIRECHE)
« Les soins critiques seront au cœur de la gestion des urgences absolues. Ce qui est très important c’est d’éviter ce que l’on appelle les flux saturants. Nous l’avons vu pendant le COVID : un hôpital qui se fait déborder entraîne très clairement une surmortalité. A l’AP-HM, nous avons la chance d’avoir de multiples réanimations avec les deux établissements de première ligne que sont Nord et Timone, en capacité d’accueillir un très grand nombre de patients. Nous avons néanmoins mis au point des processus de transferts de malades pour libérer des lits et même des plans d’évacuation avec le soutien des hôpitaux environnants pour évacuer les patients stables et garder sur site ceux qui ne sont pas en état d’être déplacés.» (Pr VELLY)
A noter qu’une filière spécifique « délabrement de membres » se tient prête à La Timone pour les épreuves de voile. Les « foils », ces ailes profilées immergées dans l’eau, sont effectivement très tranchants et peuvent causer de graves blessures en cas de collision par exemple. L’Hôpital dispose d’un plateau dédié à la greffe de membres capable d’intervenir au plus vite sur ce type d’accident.
« Un travail au niveau de la DRH a par ailleurs été mené afin de limiter durant ces périodes la prise de congés, pour que le moins de lits possible soient fermés durant ces périodes et que tous les patients puissent être accueillis dans les meilleures conditions. » (Benoît CAMIADE)
Afin d’évaluer le fonctionnement de cette structuration et de ces stratégies, des exercices sont constamment réalisés. Il en existe de différents types et dimensionnements, certains ne concernant qu’un seul site, d’autres étant multi-sites.
« Plus les professionnels seront entraînés à ce genre de situations, plus ils sauront faire face efficacement. Ils sont déjà très familiers de ces sujets, notamment avec les expériences du COVID et l’accueil d’autres grands événements comme la Coupe du monde de Rugby ou la venue du Pape. Toutes les équipes sont une fois encore extrêmement mobilisées pour se préparer à l’arrivée de la flamme et aux épreuves des JO. » (Benoît CAMIADE)
« On peut effectivement constater une profonde implication et même un véritable engouement de la part de l’ensemble des professionnels médicaux et paramédicaux pour chacun de ces exercices. Le corps hospitalier y voit une façon de s’améliorer, de monter en gamme et de trouver les failles qui, autour d’une table et sur un plan seulement théorique, n’auraient pas pu être décelées. Les amphithéâtres sont toujours pleins lors des retours d’expériences. » (Pr VELLY)
Et même en dehors de ces simulations, les plans de continuité des soins font continuellement l’objet d’une attention méticuleuse avec des contrôles et mesures très concrètes pour s’assurer qu’il existe une réponse adaptée pour chaque problématique susceptible de venir perturber l’activité.
« Tous les jours nous nous efforçons d’améliorer nos capacités de résilience. Que ce soit pour pouvoir basculer sur papier en cas d’attaque cyber, en ayant des sauvegardes suffisamment robustes et sans perte d’informations patients, ou savoir comment réagir en cas de coupure d’oxygène, d’électricité par exemple. Nous réactualisons nos procédures, vérifions nos réassorts en oxygène, nos groupes électrogènes, nos batteries internes de manière à éviter toute perte de chances pour nos patients. » (Pr VELLY)
Enfin, d’autres types d’exercices, cette fois extra-hospitaliers, sont organisés à l’initiative de la préfecture et engagent plus spécifiquement les équipes du SAMU 13 :
« Nous réalisons de nombreux exercices de type ORSEC avec le Bataillon des Marins Pompiers, les transports sanitaires, le Service Départemental d'Incendie et de Secours (SDIS), les associations, la Croix-Rouge, la Croix Blanche et EuroMediCare. Il est important de citer tout le monde, pour ne pas laisser penser que nous sommes seuls à tout coordonner. Tout se fait en coopération. Récemment un exercice a eu lieu au Stade Vélodrome et un autre au Parc Chanot. Enfin nous avons, en plus de ces exercices, des entraînements interministériels zonaux, avec des ateliers de mécanisation, des topos théoriques et des mises en situations qui impliquent, en plus de tous les partenaires déjà cités, les forces de l’ordre, la gendarmerie, le RAID… Le dernier entraînement a été organisé tout récemment, les 4 et 5 avril. » (Dr HEIRECHE)
Tandis que les athlètes attendent avec impatience les compétitions, possible consécration d’un entraînement acharné, les hospitaliers s’efforcent d’être parfaitement opérationnels pour des situations qu’ils souhaitent de tout cœur ne jamais voir se produire. Ce dont on ne peut douter en tout cas, c’est des capacités de cette grande et belle équipe à, elle aussi, se dépasser.
Cet article est paru dans la revue Gestions Hospitalières : Gestions hospitalières - la revue des décideurs hospitaliers. [3]
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