Catastrophes naturelles, accidents collectifs graves, attentats… autant d’événements dramatiques qui viennent brutalement interrompre le cours de la vie, laissant le plus souvent les survivants, les familles des disparus, dans un état de sidération. Un accompagnement est souvent nécessaire afin de surmonter le traumatisme. C’est la mission de la Cellule d’Urgence Médico-Psychologique (CUMP).
La CUMP [3] est une entité du SAMU 13 composée d’une équipe de 4 membres permanents. Elle est sollicitée lors d’événements collectifs à fort retentissement psychologique, à la demande du SAMU, du Prefet ou de l’ARS. Après son intervention en urgence sur site, elle oriente les victimes vers la consultation psychotraumatique.
[4]La CUMP travaille en réseau, avec un maillage de professionnels volontaires, agents hospitaliers issus de différents établissements d’une même région. Spécialement formés pour ce type de prise en charge en urgence, ils peuvent intervenir en France comme à l’étranger.
Il y a environ 120 volontaires à Marseille, 180 sur la zone élargie. Lors des missions à l’étranger les équipes s'occupent en priorité des ressortissants français, à la demande du Ministère des Affaires Etrangères, comme ce fut récemment le cas à Gênes suite à l’effondrement du viaduc Morandi.
[5]« Notre action à Gênes s’est faite en deux temps », explique le Dr Flavie DERYNCK. « Il s’agissait d’abord d’apporter un soutien aux familles des victimes, en les accueillant pour des consultations à l’Institut Français. Nous avons ensuite assuré une présence, plutôt de type maraude, lors de la cérémonie.
C’était un moment très intense, où l’on sentait une grande culpabilité chez les italiens présents, ainsi que beaucoup de bienveillance. Tout le monde disait ‘‘ça aurait pu être nous’’… »
Dans le cas d’un deuil traumatique les personnes ont tendance à se murer dans la douleur, la colère. Ils sont comme figés et tout le travail délicat des équipes consiste alors à leur permettre de réinvestir progressivement leur vie.
Explosion de l’usine AZF, ouragan Irma, attentats de Nice ou de la gare Saint-Charles, plus récemment écroulement des immeubles rue d’Aubagne à Marseille… les équipes déployées sont inévitablement affectées par ces situations même si elles n’arrivent qu’après-coup sur les lieux.
« Les volontaires doivent savoir évaluer, au moment où on les appelle, s’ils ont un point de fragilité et si tel est le cas, renoncer à partir. Des débriefings sont systématiquement organisés avec un médecin tiers, qui ne va jamais sur les catastrophes et a un regard complètement extérieur. »
Et bien sûr, chaque situation requiert une analyse, des modes d’intervention et des outils spécifiques: consultations psychologiques, maraudes, thérapies EMDR, médicaments lorsque cela est nécessaire.
Le jour de l’effondrement des immeubles rue d’Aubagne, après l’installation d’un Poste Médical Avancé par le SAMU, une première équipe de la CUMP a été déployée sur le cours Lieutaud, puis une seconde auprès de la Cellule d’identification des victimes et de la police judiciaire. Les interventions ont ensuite été menées à la mairie du 1/7 du mardi au dimanche, en journée et en soirée.
Madame Valérie Guyon, Psychologue d’astreinte la semaine de ce drame, a organisé et coordonné l’ensemble de l’intervention, tout en assurant la logistique et le relationnel :
« Il s’agissait d’apporter un soutien aux familles, celles des personnes disparues bien-sûr, mais aussi les familles évacuées. Accompagner l’annonce des décès par la Police, ou encore l’annonce par les élus de la destruction des immeubles. »
« Perdre tous ses biens personnels est une autre forme de deuil. Un étudiant a perdu tout son travail de thèse, certaines personnes ont même dû laisser leurs animaux domestiques. Le trauma a ressurgi après-coup. Notamment pour les témoins qui étaient parfois hantés, la nuit, par les cris de leurs voisins. Des cris qui s’arrêtent d’un coup, et laissent place à un silence assourdissant. » raconte Céline NGUYEN LAMOURI, infirmière à la CUMP.
Dans le cadre de cette psychiatrie de catastrophe, l’équipe est très attentive à prendre en compte tous les aspects de la souffrance et veille toujours à ce que les victimes soient considérées dans leur globalité, comme l’explique si bien le Dr Flavie DERYNCK :
« Une victime est déshumanisée par l’événement, niée dans son existence. C’est pourquoi il est important d’être sensible à sa souffrance, d’avoir de l’empathie. C’est un processus très difficile et douloureux, il faut accepter d’avoir, à un moment donné, été réduit à rien, à un grain de sable dans la folie du monde. Tout le travail consiste à restaurer le fil conducteur que la catastrophe est venue casser, redonner aux victimes une place de sujet ayant une vie, une histoire, des projets… »
[8]Ce rôle essentiel consistant à répondre à l’urgence médico-psychologique dans le cadre d’une prise en charge pré-hospitalière devrait être prochainement étendu grâce à un projet régional porté par l’ARS.
Si la CUMP est d’ores et déjà très opérationnelle et agit en parfaite coordination avec l’ensemble des acteurs de terrain, l’objectif est qu’elle puisse également accompagner les patients, les orienter vers un véritable parcours de soins afin qu’ils ne se sentent pas ensuite abandonnés, livrés à eux-mêmes. Des psychiatres, des généralistes, des psychologues ou des infirmiers seront formés à cet effet.
Toute l’équipe de la CUMP tient à remercier les volontaires de l’AP-HM, des Centres Hospitaliers Valvert et Montperrin, le SAMU 13, les urgences psychiatriques de La Conception, la PCI du pôle Psychiatrie centre, la Croix rouge, l’AVAD, la Police judiciaire, la Mairie de Marseille et la Préfecture de Marseille pour le dispositif déclenché lors du sinistre rue d'Aubagne.
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