Organiser le chaos
Un appel : elle décroche. Dès cet instant le travail commence. La personne qui a composé le numéro pour solliciter de l’aide entend sa voix. Une voix concernée, qui sait se faire discrète quand il s’agit d’écouter et d’accueillir, mais aussi avoir toute la conviction nécessaire pour expliquer et rassurer. Une voix qui semble dire : « Vous n’êtes pas seul(e), désormais nous serons là pour vous ».
Cette voix, c’est celle de Marie-Pierre VALET, secrétaire médicale de la Cellule d’Urgence Médico-Psychologique. Elle reçoit les appels de personnes traumatisées, que ce soit par une agression, un accident ou encore la perte brutale d’un proche. Elle évalue l’urgence de la demande, prépare, transmet, accompagne. Son rôle d’intermédiaire est à la fois crucial et délicat : elle doit contenir l’angoisse, être en même temps réactive et à l’écoute, savoir retenir et transmettre.
« Quand on s’adresse à des victimes, il y a des choses qu’il est préférable de ne pas dire. Des paroles toutes faites qui, souvent, peuvent venir spontanément à l’esprit comme "n’y pensez plus", "tout ça c’est du passé, c’est terminé". Ces mots qui se veulent réconfortants ont en fait pour effet de nier ce que les personnes ressentent. J’essaye toujours d’apaiser, de mettre de la nuance. Reconnaître la souffrance plutôt que chercher à l’évacuer, et dire : "on va vous aider". »
Marie-Pierre VALET a travaillé pendant 15 ans dans le service de Neurologie et neuropsychologie du Pr CECCALDI à la Timone, puis au Centre d’évaluation et de traitement de la douleur de 2017 à 2020. En 2016, elle s’engage en tant que volontaire à la Cellule d’Urgence Médico-Psychologique.
Tout de suite après l’attentat de Nice le 14 juillet, le Dr Flavie DERYNCK la sollicite pour venir à l’Hôpital PASTEUR, au point de rassemblement des victimes, afin notamment d’assurer la saisie des fiches d’identification dans le logiciel ORSAN. Une tâche considérable et éprouvante, compte tenu de l’ampleur du drame. Puis au cours de sa formation CUMP de niveau 2 une intervention de Céline N’GUYEN, infirmière, produit chez elle un déclic. Elle réalise qu’elle a envie de s’investir pleinement à la CUMP où elle sera engagée en tant que secrétaire médicale en avril 2020:
« Céline est non seulement dotée de compétences très développées mais aussi d’un sens de l’humain absolument remarquable. De même que les autres membres de l’équipe d’ailleurs, majoritairement composée de femmes toutes aussi brillantes que bienveillantes, toujours disponibles, toujours en train de se former, d’avancer. C’est un bonheur de travailler à leur côté. »
Pour cette équipe, outre l’accueil téléphonique, la prise de rendez-vous et le suivi des parcours de soins, Marie-Pierre assure toute la partie logistique en gérant les déplacements, la réservation des voitures et des hôtels, en planifiant les interventions et les roulements éventuels.
« A la CUMP la réactivité est très importante. Les catastrophes sont des bouleversements qui génèrent de l’urgence. Je participe, à mon niveau, au maintien d’une certaine organisation dans le chaos... »
Une grande finesse, une assurance dénuée de toute présomption lui permettent de toujours trouver, que ce soit avec les autres membres de l’équipe ou les patients, le positionnement juste.
« Bien sûr je ne suis pas soignante et si parfois des patients ont tendance à l’oublier, de mon côté je sais rester à ma place… n’est pas soignant qui veut ! Mais autrement, c’est merveilleux non ? Contribuer à aider les gens et être payée pour ça… franchement, on ne peut pas trouver mieux ! »