Les sportifs aguerris ont bien tenté de compenser. Ils se sont astreints à un programme d’entraînement rigoureux à domicile. Mais en dépit des efforts déployés, le premier confinement a constitué une rupture importante dans leur pratique d’ordinaire si assidue : pas d’entraînement collectif, pas de compétition, pas d’accès aux infrastructures dédiées. Les sportifs occasionnels, moins affectés peut-être par ces limitations, ont tout de même ressenti eux aussi le manque d’exercice sans pour autant chercher à y pallier par tous les moyens. Plus globalement, toutes celles et ceux qui effectuaient des déplacements quotidiens pour aller en cours ou au travail, pour sortir, ont soudainement connu une sédentarité inédite. Ce que l’on nomme communément la « vie active » a été mis entre parenthèses, a fonctionné au ralenti.
Un ralentissement que l’équipe du Professeur Eric GUEDJ, chef du service de Médecine Nucléaire [3] à l’Hôpital de la Timone, a pu mesurer non pas en termes de force ou d’endurance physique, mais au niveau du métabolisme cérébral lui-même. Les résultats de leur étude sur le retentissement du confinement de mars 2020 sur l’activité cérébrale ont été récemment publiés dans la revue Human Brain Mapping [4]. Ils attestent d’une diminution des réseaux cérébraux moteurs proportionnelle au nombre de jours de confinement, le phénomène touchant davantage les jeunes (les restrictions ont constitué pour eux une rupture plus importante dans leur mode de vie).
Le Pr GUEDJ et son équipe ont analysé le TEP-scan de 95 patients ayant, en raison de troubles neurologiques, réalisé cet examen au cours des 55 jours de confinement. Ils ont ensuite comparé les données recueillies avec celles de deux groupes contrôle :
- 212 patients ayant réalisé un TEP-scan pendant la même période mais l’année précédente, c’est-à-dire de mars à mai 2019, en dehors de toute contrainte sanitaire ;
- 188 patients ayant réalisé un TEP-scan lors du déconfinement, toujours sur une durée de 55 jours.
De nombreuses études, notamment sur les stratégies de réadaptation par le sport, ont déjà pu montrer les bénéfices d’une activité physique régulière sur le fonctionnement cérébral. Le travail réalisé à la Timone donne une nouvelle perspective, comme en miroir, avec un phénomène d’hypométabolisme cérébral corrélé à une baisse importante de l’activité physique. Et cette altération n’est que partiellement réversible durant les premiers mois de déconfinement, comme l’atteste la comparaison des résultats avec ceux du second groupe contrôle. 55 jours de déconfinement ne permettent en effet de compenser que de moitié la diminution observée. Le Pr GUEDJ estime qu’il faut deux fois plus de temps, soit environ 4 mois, pour une récupération complète. S’agissant d’une étude rétrospective sur des patients souffrant de troubles neurologiques, il n’est pas possible de généraliser ces analyses à la population globale. Toutefois les éléments collectés sont un argument de plus en faveur d’une pratique adaptée de l’activité physique, celle-ci ayant un impact vérifiable en termes de neuroprotection et de remodelage de l’activité cérébrale.
Dans un précédent travail de recherche [5], le Pr GUEDJ et son équipe avaient mis en évidence la réalité physiologique des symptômes de COVID long, caractérisée elle aussi par un hypométabolisme cérébral. Les chercheurs ont voulu savoir si cette baisse de l’activité cérébrale était de même nature que celle causée par le confinement et la réponse est non : les zones concernées par la maladie post-virale qu’est le COVID long sont principalement les circuits limbiques de l’hémisphère droit tandis que le confinement a davantage affecté les réseaux cérébraux moteurs de l’hémisphère gauche.
Dans la continuité de ces travaux sur la neuroprotection et la plasticité cérébrale induites par l’activité physique, un essai est actuellement en cours, en collaboration avec l’équipe du Centre de la douleur [6] de la Timone et notamment le Dr Stéphanie RANQUE-GARNIER, auprès de patients souffrant de fibromyalgie.
Les auteurs de l’étude « L’impact du confinement du COVID-19 sur le métabolisme cérébral [4] » : Eric Guedj, Jacques-Yves Campion, Tatiana Horowitz, Fanny Barthelemy, Serge Cammilleri et Mathieu Ceccaldi.
Links
[1] https://fr.ap-hm.fr/print/820454
[2] https://fr.ap-hm.fr/printpdf/820454
[3] http://fr.ap-hm.fr/service/medecine-nucleaire-hopital-timone
[4] https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/hbm.25673
[5] http://fr.ap-hm.fr/actu/covid-long-le-vecu-des-patients-corrobore-par-l-imagerie-cerebrale
[6] http://fr.ap-hm.fr/service/centre-evaluation-traitement-douleur-hopital-timone
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