Le bonheur loge-t-il dans les replis de notre cerveau ?
Peut-on provoquer le bonheur, déclencher l’extase ?
Une recherche sur trois patients atteints d’épilepsie réfractaire a peut-être permis de trouver, dans une région profonde du cerveau, la clef des expériences extatiques.
L’épilepsie est une anomalie des rythmes électriques cérébraux. Au cours des crises surviennent parfois des phénomènes que l’on peut qualifier d’extatiques. Un état de conscience modifié caractérisé par la disparition de toute anxiété, par un bien-être diffus où l’instant présent est perçu avec une acuité et une intensité telles qu’il semble que l’on ne fait plus qu’un avec le monde.
Conduite par le Pr Fabrice BARTOLOMEI, chef du service d’Epileptologie et Rythmologie Cérébrale à l’Hôpital de la Timone, en collaboration avec le Pr Fabienne PICARD (Genève) et plusieurs autres chercheurs de l’AP-HM et de l’INSERM / Aix Marseille Université*, l’étude a permis de révéler le rôle prépondérant de l’insula antéro-dorsale dans l’apparition de ces phénomènes. Lorsque les patients souffrent d’épilepsie réfractaire aux traitements il est possible, grâce à l’implantation d’électrodes intracérébrales, de stimuler certaines zones impliquées dans la survenue des crises, afin de diminuer leur fréquence.
Les auteurs ont constaté qu’en stimulant plus particulièrement la zone de l’insula antéro-dorsale chez trois patients sélectionnés, ils étaient en mesure de provoquer en eux une expérience extatique semblable à celles qu’ils avaient pu vivre précédemment. Aucun autre cas de phénomène extatique induit par stimulation électrique intracérébrale n’avait jusqu’à présent été rapporté.
L’insula est une zone du cerveau impliquée dans l’anticipation anxieuse, l’appréhension. Elle agit comme un système d’alerte. La stimulation électrique permettrait d’inhiber cette fonction anticipatrice, de la bloquer, d’où cette impression de clarté, de certitude, d’évidence ressentie par les patients.
Les implications liées à cette découverte sont multiples et potentiellement cruciales. Outre une meilleure compréhension de l’épilepsie et de sa prise en charge, elles laissent envisager par exemple la possibilité d’identifier des cibles thérapeutiques de stimulation cérébrale profonde dans le traitement de l’anxiété.
La prochaine étape sera de collecter des données similaires afin de confirmer à plus large échelle ces résultats.
Lire l’article en ligne publié dans la revue Brain Stimulation (en anglais)
* S. LAGARDE (Service d’epileptologie et rythmologie cérébrale, Hôpital de la Timone ; Institut de Neurosciences des Systèmes Aix-Marseille Université / INSERM)
D. SCAVARDA (Service de Neurochirurgie pédiatrique, Hôpital de la Timone ; Institut de Neurosciences des Systèmes Aix-Marseille Université / INSERM)
R. CARRON (Service de Neurochirurgie fonctionnelle et stéréotaxique, Hôpital de la Timone ; Institut de Neurosciences des Systèmes Aix-Marseille Université / INSERM)
C.G. BENAR (Institut de Neurosciences des Systèmes Aix-Marseille Université / INSERM)
F. PICARD (Service de Neurologie, Hôpitaux Universitaires de Genève)