Actualités

Rester libre et acteur de sa santé à tout moment : les directives anticipées en psychiatrie

Publié le :
09/06/2022 à 14:14

Comment conserver une certaine liberté de choix, de décision lorsque nous nous trouvons dans l’incapacité de communiquer ou même de comprendre ce qui nous arrive ?

 

Les directives anticipées de fin de vie permettent, en cas d’accident ou de maladie grave, de signifier aux équipes médicales mais aussi à la famille et aux proches ce que l’on souhaite ou ne souhaite pas voir mis en œuvre en termes de soins, de maintien artificiel des fonctions vitales ou d’hospitalisation.

 

Mais qu’en est-il des troubles psychiques, lorsque ceux-ci privent temporairement la personne qui en est atteinte de sa capacité de jugement, de sa faculté de prendre des décisions pour elle-même ? Dans ces situations de grande vulnérabilité où des individus sont susceptibles de se mettre en danger, l’entourage et les soignants peuvent recourir à une hospitalisation et des soins sous contrainte. Il s’agit d’une procédure complexe et particulièrement difficile à vivre, aussi bien pour les patients que pour leurs proches.

 

L’équipe du service hospitalo-universitaire de santé mentale adulte du Pr Christophe LANÇON vient de publier dans le JAMA Psychiatry les résultats d’une étude lancée en 2019 sur l’efficacité des directives anticipées psychiatriques pour à la fois prévenir et traverser de telles situations de crise. Pionnier en France en matière de réhabilitation psychosociale et de rétablissement, le service attache une grande importance à l’implication des personnes dans les choix relatifs à leur santé, aux soins qu’ils sont ou seront amenés à recevoir.

 

« C’est en fait une tendance globale ces dernières années, poussée par une revendication forte de l’ensemble des associations de patients, de véritablement considérer la personne comme partie prenante des soins qui la concernent. Ce qui nous intéressait surtout pour ce travail de recherche était de déterminer comment maintenir ce niveau de participation dans les moments de détresse. » explique le Dr Aurélie TINLAND, Psychiatre à l’initiative de l’étude.

 

 

« Plusieurs travaux à l’international avaient déjà démontré l’intérêt des directives anticipées psychiatriques, mais nous sommes les premiers dans le monde à avoir expérimenté ce dispositif avec l'aide de médiateurs de santé-pairs (c'est-à-dire des personnes qui ont-elles-mêmes traversé des troubles psychiques et utilisé le système de soin) ».

 

Portée par les Hôpitaux Universitaires de Marseille en partenariat avec le GHU Paris Neuroscience et le CH Le Vinatier à Lyon, l’étude randomisée a inclus, dans 7 hôpitaux partenaires, 394 participants vivant avec des troubles bipolaires, une schizophrénie ou des troubles schizo-affectifs. Les résultats sont très significatifs, puisqu’au bout d’un an de suivi le fait de remplir des directives anticipées psychiatriques en présence des médiateurs réduit de plus de 30% les hospitalisations sous contrainte et améliore globalement la santé mentale (sentiment d’être davantage responsable et maître de sa vie, diminution des symptômes).

 

« Concrètement, les directives anticipées permettent au patient de choisir une personne de confiance, puis de décrire ses symptômes, quels sont les signes avant-coureurs d’une crise, comment une crise se manifeste. Le ressort de l’efficacité réside déjà beaucoup dans cette identification des symptômes et des troubles. Cela aide à mieux anticiper, à élaborer un plan d’action pour soi-même, à exprimer ses souhaits concernant les traitements, le lieu de la prise en charge, de laisser aussi des consignes pour les proches. C’est un vrai travail qui nécessite a-minima deux heures de temps et qui est grandement facilité par la présence des médiateurs de santé-pairs. A l’hôpital on a tendance à se focaliser, faute de temps et de moyens, sur les personnes qui vont mal, sur le moment où elles vont mal. Mais c’est précisément quand elles vont bien, ou mieux, qu’il y a un important travail de prévention à mettre en œuvre. »

 

Le médiateur de santé-pair exerce un métier d’entraide où il se sert de sa propre expérience pour écouter et accompagner. Etranger à tout enjeu thérapeutique, il symbolise le fait qu’il est possible d’être totalement impliqué dans son parcours de soins et encourage le patient à s’emparer des différents moyens à sa disposition pour prendre les commandes, être davantage responsable de son existence. La présence du médiateur rassure, met en confiance et favorise la narration d’expériences parfois très douloureuses comme peut l’être une hospitalisation sous contrainte.

 

« Nous nous intéressons au rôle des médiateurs de santé-pairs depuis déjà longtemps avec notre centre de formation au rétablissement. C’est un métier encore en construction qui est en train de se structurer et qui va prochainement faire l’objet d’un nouveau travail de recherche. Mais les résultats montrent déjà combien leur concours est important. La plupart des personnes qui ont rempli des directives au cours de l’étude n’ont pas eu à s’en servir : c’est donc en premier lieu sur les aspects de prévention, d’anticipation et de changement de posture vis-à-vis de la santé et des soins que les bénéfices sont avérés. »