Symptômes (Otalgie, Otorrhée, Otorragie,Surdité, Vertige)
Otalgie
L’otalgie est l’expression clinique d’une manifestation douloureuse localisée au niveau de l’oreille. Elle est un symptôme fréquent de consultation qui s’explique par la complexité de l’innervation sensitive de l’oreille et la diversité des mécanismes de la douleur. A ce titre, elle est considérée comme le maître symptôme de la pathologie auriculaire.
À la différence de l’otorrhée et de l’otorragie, elle est souvent difficile à mettre en évidence chez le jeune enfant qui peut l’exprimer par d’autres manifestations telles que des pleurs sans véritable orientation des mains vers les oreilles, une irritabilité (enfant grognon), une prostration, des réveils nocturnes inhabituels. Ici, l’otoscopie sera l’examen capital pour guider la démarche diagnostique, étiologique et donc thérapeutique.
Selon l’origine de l’otalgie, il faut distinguer les otalgies primaires ou intrinsèques, la douleur résultant de conditions pathologiques situées au niveau de l’oreille elle-même, et les otalgies secondaires ou réflexes comme étant la conséquence d’une affection de voisinage (cf tableau).
OTALGIES PRIMAIRES OU INTRINSÈQUES
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A- Pavillon : | ||
otohémathome | chondrite | |
B- Conduit auditif externe : | ||
Bouchon de cérumen et corps étranger | Eczéma | Otite externe |
Mycose | Furoncle | Tumeur |
C- Oreille moyenne et mastoïde : | ||
Otite aiguë | Catarrhe tubaire | Myringite (otite phlycténulaire) |
Otite chronique | Mastoïdite | Tumeur |
OTALGIES SECONDAIRES OU RÉFLEXES
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A- Cavité buccale (nerfs trijumeau et glosso-pharyngien) | ||
Eruption dentaire, carie, dents de sagesse | Gingivite et gingivo-stomatite (herpétique), aptes | |
B- Oropharynx (nerf glosso-pharyngien) | ||
Angine, pharyngite, phlegmon amygdalien | Corps étranger | |
C- Cou (nerf sympathique) | ||
Adénite et adénophlegmon cervical | Parotidites virale et bactérienne | Thyroïdite (4ème poche) |
D- Articulation temporo-mandibulaire (nerf trijumeau) | ||
Malposition dentaire | Bruxisme, mastication excessive (chewing-gum) | |
E- Larynx, pharynx, oesophage (nerf pneumogastrique) | ||
Reflux gastro-oesophagien | Otorrhée |
Otorrhée
L’otorrhée est l’expression clinique de l’apparition d’un écoulement au niveau du méat auditif externe.
Symptôme généralement considéré comme banal quand il est isolé, il est trop souvent traité de façon symptomatique. Il faut considérer que "toute oreille qui coule" nécessite un interrogatoire méthodique (antécédents otitiques, facteurs déclenchants de l’otorrhée, aspect muqueux ou purulent, coloration, permanence ou intermittence, signes d’accompagnement tels que otalgie, otorragie, vertiges, surdité) suivi par une otoscopie minutieuse.
Schématiquement, deux situations cliniques peuvent se présenter :
- L’oreille externe, c'est-à-dire le conduit auditif externe, est en cause : il peut s’agir d’un corps étranger, d’une otite externe bactérienne (otite du baigneur) ou mycosique (candida albicans si débris blanchâtres d’aspect crémeux, aspergillus si filaments d’aspect noirâtre), d’un furoncle, de façon très exceptionnelle une otite externe nécrosante.
- L’oreille moyenne est à l’origine de l’écoulement : il traduit la rupture de la membrane tympanique. En l’absence de tout antécédent chirurgical, il peut s’agir d’une otite moyenne aiguë (otorrhée purulente par perforation punctiforme), otite chronique simple par perforation tympanique méconnue (otorrhée muqueuse ou purulente en cas de surinfection), otite chronique cholestéatomateuse (otorrhée fétide purulente ou mucopurulente récidivante). Lorsque l’otorrhée fait suite à la mise en place d’aérateurs transtympaniques, on peut incriminer une surinfection par défaut d’asepsie, introduction d’eau, ou persistance du processus otitique.
Otorragie
L’otorragie est l’expression clinique de l’apparition d’un saignement au niveau du méat auditif externe.
Il faut considérer que toute oreille qui saigne nécessite un interrogatoire méthodique (antécédents otitiques et traumatiques si minimes soient-ils, facteurs déclenchants, permanence ou intermittence, signes d’accompagnement tels que otalgie, otorrhée, vertiges, surdité) suivi par une otoscopie minutieuse.
Les traumatismes de l’oreille sont les premières causes d’otorragie. Elles sont de gravité variable selon qu’il s’agisse d’un traumatisme de l’oreille externe (lésion ou plaie de la peau du CAE par un coton tige ou autre objet contondant) ou de l’oreille moyenne (plaie tympanique avec risque de lésions ossiculaires).
Les autres traumatismes localisés au niveau de l’oreille moyenne sont les fractures du rocher qui occasionnent des dégâts très variables (importance des signes d’accompagnement tels que vertige, surdité, paralysie faciale) et les blasts par traumatisme pressionnel brutal.
En dehors des traumatismes, l’otorragie peut être révélatrice d’une otite chronique cholestéatomateuse ou d’une pathologie tumorale.
Enfin, dans les suites de mise en place d’aérateurs transtympaniques, on peut incriminer le développement d’un polype sur les bords de la paracentèse.
Surdité
La surdité est l’expression clinique d’une diminution de l’audition.
Quand elle est unilatérale, la surdité est souvent difficile à mettre en évidence chez le jeune enfant et peut être ignorée pendant très longtemps par l’entourage. En revanche, quand elle est bilatérale, la surdité s’exprimera de façon variable selon l’âge (par exemple : réactions exagérées aux vibrations, acquisition difficile et tardive des premiers mots, confusions phonétiques, difficultés scolaires).
Il faut considérer que toute diminution de l’audition nécessite un interrogatoire méthodique (antécédents personnels et familiaux, facteurs déclenchants, signes d’accompagnement tels que otalgie, otorrhée, vertiges) suivi par une otoscopie minutieuse et un bilan audiométrique adapté à l’âge de l’enfant.
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Lorsque l’appareil de transmission des sons (oreille externe et/ou oreille moyenne) est lésé, on parle de surdité de transmission. Elles sont les plus fréquentes, près de 90 % des surdités de l’enfant. Leur origine est généralement aisée à déterminer.
Si le tableau est celui d’une surdité de transmission à tympan normal, il peut s’agir d’une otite séromuqueuse passée inaperçue à l’otoscopie, d’une malformation ossiculaire entrant dans le cadre d’une aplasie mineure, d’une lésion ossiculaire faisant suite à un traumatisme ou un passé otitique ancien.
Si le tableau est celui d’une surdité de transmission associée à une altération du tympan, l’otoscopie sera capitale pour repérer de façon très précise le type de la modification (bombement, perforation, rétraction), son siège (pars tensa, pars flaccida) et pour envisager les étiologies d’otites aigues ou d’otites chroniques (otite moyenne aiguë, otite séromuqueuse, otite chronique simple, otite pré-cholestéatomateuse, otite cholestéatomateuse). Ces surdités sont guéries ou améliorées par le traitement médical et/ou chirurgical de leur cause.
- Lorsque l’appareil de perception des sons (oreille interne et/ou voies nerveuses auditives) est lésé, on parle de surdités de perception. Elles peuvent être d’origines soit acquises dues à des facteurs environnementaux dans 30% des cas (par exemple : infection maternelle, prématurité, antibiotiques ototoxiques, méningites), soit génétiques dans plus de 50% des cas, de type syndromiques (par exemple : Usher, Pendred, Waardenburg, Stickler) ou isolées (par exemple : mutation du gène de la connexine 26). D’une manière générale, les surdités de perception ne sont pas influencées par le traitement éventuel de leur cause. Seule une suppléance audio-prothétique peut les améliorer (prothése auditive, implant cochléaire).
Vertige
Le vertige est un symptôme rare chez l’enfant. Malgré la bénignité de la plupart des étiologies, la recherche d’une pathologie centrale oblige à la plus grande rigueur dans les différentes étapes du diagnostic.
L'incidence des vertiges est sous-estimée par :
. une mauvaise reconnaissance du symptôme (difficultés de communication de l'enfant),
. une méconnaissance des causes (souvent attribuée à des troubles de coordination ou du comportement),
. et une absence d'attitude diagnostique cohérente.
- L’interrogatoire doit préciser la date de survenue du vertige, sa durée et sa fréquence de survenue, les circonstances déclenchantes (lors de l’immobilité ou à l’occasion de mouvement), les signes associés (signes auditifs et neuro-végétatifs, torticolis, mouvements anormaux), les conséquences du vertige (chute, perte de connaissance, céphalées).
- Les antécédents personnels (épilepsie, prise médicamenteuse) et familiaux (migraine, affection neurologique) sont demandés.
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L’examen clinique comprendra un examen neurologique et ORL :
- neurologique : les paires crâniennes seront vérifiées. La recherche de troubles oculomoteurs ou de syndrome cérébelleux sera capitale
- ORL : une otoscopie sera faite systématiquement. On recherchera un syndrome vestibulaire périphérique en mettant en évidence des déviations segmentaires latéralisées et un nystagmus spontané ou révélé par la manœuvre du « Head Shaking Test ». Malgré la faible prévalence des vertiges positionnels paroxystiques bénins chez l‘enfant, des manœuvres diagnostiques seront réalisées de manière systématique.
- Les examens complémentaires comprendront les explorations audiologiques et en fonction de l’âge de l’enfant, un bilan vestibulaire instrumental. La complexité de sa mise en place reste un facteur limitant, surtout en période infantile précoce. Le bilan vestibulaire nécessite un matériel pédiatrique adapté. Pour les grands enfants, la vidéonystagmographie (analysant la fonction canalaire à basses fréquences), la verticale visuelle subjective (analysant la fonction utriculaire) et les potentiels évoqués otolithiques (analysant la fonction sacculaire) peuvent se réaliser sans problème, à condition de faire preuve de patience. L’apport du VHIT (Vidéo-Head Impuls Test) qui analyse de façon précise les 6 canaux semi-circulaires à des fréquences physiologiques pourrait être intéressant dans l’avenir car il reste non invasif et facile d’utilisation. Il pourrait être utilisé chez des enfants plus jeunes.
- Les examens radiologiques (TDM des rochers et IRM cérébrale et des angles pontocérébelleux) doivent être orientés en fonction de l’examen clinique.