Anissa Saadi : la mort, les mots, la vie

Ils se sont éteints pour toujours, sont partis avant l’heure. Où ça ? Nul ne saurait le dire. Et pourquoi surtout, oui pourquoi ? Voilà des questions que nous nous posons tous face à la perte d’un être cher, mais devant lesquelles nous nous sentons le plus souvent livrés à nous-mêmes, démunis. « Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé ! » se lamentait si justement Lamartine.

Ce vide inexprimable que laissent en nous les êtres chers lorsqu’ils nous quittent prématurément, Anissa Saadi y a été confrontée voici trois ans, suite au décès inattendu et brutal d’un proche. Alors infirmière dans le service de dermatologie, vénérologie et cancérologie cutanée du Pr Grob, elle s’occupe notamment de patients atteints de mélanomes graves. Déjà à cette époque elle souhaitait dans son travail mettre l’accent sur le côté humain, la relation aux patients. Le terrible événement qui la frappe lui fait appréhender leur souffrance avec une empathie exacerbée. Mais plutôt que de se laisser submerger, elle va utiliser cette sensibilité pour se reconstruire petit à petit et surtout aider les autres à traverser leurs propres épreuves.

En 2015 elle rencontre EdlithaM, une illustratrice qui lui suggère d’écrire un texte qu’elle pourrait ensuite accompagner de ses dessins.
 

« L’écriture est un moyen de prendre du recul et d’avancer, c’est une sorte de thérapie personnelle. Au départ j’ai simplement écrit pour moi. Mais EdlithaM a fait un superbe travail d’illustration. C’était une collaboration facile, elle a parfaitement saisi ce que j’ai voulu exprimer. »
 

Le projet d’une publication fait doucement son chemin, pour finalement aboutir cette année avec la sortie de Mon cœur-en-ciel aux éditions Y.I.L. 
Rares sont les livres accessibles aux grands comme aux petits qui abordent avec tant de sincérité, de justesse et d’émouvante simplicité le bouleversement intérieur du deuil. En prenant la voix d’une enfant qui s’adresse directement à son meilleur ami disparu, Anissa Saadi décrit remarquablement bien l’absence, le manque et ce lent cheminement nécessaire jusqu’à l’acceptation, la reconstruction. 


« C’est un peu difficile pour moi car tout part d’une expérience très personnelle. Mais si ce livre peut contribuer à apaiser la douleur d’une seule personne et l’aider comme il m’a aidée, c’est que sa publication en valait la peine. »  

Depuis juillet 2017, Anissa a intégré le service d'oncologie médicale et soins palliatifs du Pr Duffaud à l’Hôpital de la Timone. Elle travaille de nuit, toujours dans l’optique d’accompagner les patients aux moments où ils en ont le plus besoin, et se forme pour cela depuis un an à la sophrologie.

« On voit des choses dans le service… des corps qui se déforment, des tumeurs, des plaies… mais ce qu’il faut toujours voir en premier, avant tout, ce sont les personnes. C’est ce qui compte, la relation à l’autre. Il faut savoir redonner le sourire, surtout la nuit. Apporter un peu de soleil la nuit. »  

Anissa ne souhaitait pas que l’on écrive son portrait. Ne souhaitait pas être mise en avant. Pourtant, à l’écouter parler ainsi avec beaucoup d’humilité de son livre, de son travail à l’AP-HM, il nous est tout simplement venu l’envie de lui dire merci. Merci d’être là pour eux, et pour nous aussi.

 

Mon cœur-en-ciel, Anissa Saadi – EdlithaM, Editions Y.I.L., 2018