Un peintre à l’œuvre aux urgences
Il y a ces nuits qu’il passe auprès des malades, avec les collègues des urgences. Des moments où la vie peut se condenser dans quelques gestes, quelques paroles échangées qui vont apaiser l’angoisse, atténuer la douleur. Des nuits teintées par le passage d’êtres à vif, comme d’immenses toiles où toute la palette des émotions humaines vient se déployer, parfois de manière crue et brutale, parfois tout en nuances. Des nuits que le travail en équipe illumine grâce à une cohésion à l’épreuve de tout.
« C’est ce qui fait la force des urgences Nord. Nous sommes tous soudés. Du médecin à l’ASH, nous formons une équipe où l’on s’écoute, où l’on se comprend. Cette cohésion permet une prise en charge extraordinaire. C’est avant tout ce fonctionnement collectif qui fait la qualité des soins. »
Il y a aussi ces heures qu’il passe dans l’intimité de son atelier, à tenter de transposer dans la peinture des impressions, des expériences qu’une sensibilité exacerbée fait retentir en lui. Des heures où il est entièrement absorbé, où seules comptent les couleurs, les formes, la matière et ce qui sous-tend leur agencement.
« Chaque toile est l’expression d’une part de ma vie personnelle. Même dans l’abstraction les lignes, le relief contiennent et évoquent un bout de mon histoire. »
Aide-soignant aux urgences de l’Hôpital Nord et peintre. Deux carrières qu’il mène avec une sincérité égale, porté au fond par un même élan vital, qu’il se consacre aux soins ou à la création artistique. La peinture a été une vocation précoce. Il découvre ce moyen d’expression à l’âge de 12 ans, intègre à 15 ans les cours du soir dispensés par Alain GOUSSET à l’école des beaux-arts de Charleroi, puis réalise ses premières expositions dès 16 ans, devenant ainsi le plus jeune artiste peintre à exposer dans toute la Belgique. Tout autant animé par le besoin de créer que par celui d’être proche des gens, d’être présent pour eux, il passe par la suite son diplôme d’aide-soignant et travaille près de 15 ans au bloc.
C’est fin 2019 qu’il vient s’installer à Marseille et d’emblée, la ville le séduit par sa diversité, son caractère et aussi la lumière particulière de la région. Cependant la pandémie de COVID 19 débute et avec elle une période aussi intense que difficile. Il commence par travailler 3 mois au service Réanimation DRISS de l’Hôpital Nord :
« C’était un choc. Je connaissais pourtant déjà bien le milieu hospitalier, mais les patients affluaient et se dégradaient rapidement. Personne n’avait connu ça auparavant. »
Il intègre tout de suite après les Urgences, toujours à l’Hôpital Nord. Malgré le contexte et la fatigue du travail la peinture garde toute sa place dans sa vie, son quotidien. En août 2021, il expose pour la première fois en France à la galerie Marseille 3013, rue de la République. En octobre 2021 ses œuvres sont installées aux galeries Libre Est l’Art à Paris. C’est en discutant avec sa Cheffe de service, le Dr Aurélia BORDAIS, qu’il a l’idée de faire don d’une toile aux Urgences Nord. Réalisée pendant le premier confinement, cette peinture exprime un ressenti à la fois personnel et collectif sur cette période si particulière.
Il n’aime pas trop commenter ses œuvres ou se mettre en avant en tant qu’artiste. Il ne signe d’ailleurs pas ses toiles avec son nom, mais avec l’empreinte discrète d’un doigt sur la peinture, comme pour signifier que ce n’est pas sa personne qui importe, mais ses créations. De la même manière, lorsqu’il évoque son métier d’aide-soignant il insiste avant tout sur le travail d’équipe, ainsi que la relation avec les patients.
Une chose cependant ne fait pas mystère : que ce soit dans l’art ou dans le soin, Bernard DEVIN a réussi à faire de sa sensibilité une véritable force.