La sphérocytose héréditaire ou Maladie de Minkowski-Chauffard
Définition
La sphérocytose héréditaire est une anémie hémolytique génétique secondaire à des anomalies de la membrane des globules rouges (GR) qui deviennent petits, sphériques et fragiles. Ils sont appelés aussi sphérocytes d’où le nom de sphérocytose héréditaire donné à la maladie.
Épidémiologie
La prévalence de la maladie est estimée entre une personne sur 2 000 et une personne sur 5000 dans les populations d'origine nord-européenne.
Description clinique
L'expression clinique de la sphérocytose est très variable, souvent plus intense pendant la première année de vie : elle se révèle donc souvent en période néonatale. L'ictère (jaunisse) est la première manifestation clinique chez le nouveau-né, et une anémie sévère peut s'installer rapidement après la naissance. La splénomégalie (augmentation du volume de la rate) est aussi couramment observée. Il existe une grande variabilité concernant l’âge du début des symptômes ou leur gravité. La grande majorité des patients atteints de sphérocytose héréditaire (60 à 70%) sont porteurs d'une anémie modérée, résultat d'une hyper-hémolyse (destruction des GR) incomplètement compensée. Ainsi, en dehors du sub-ictère, de la découverte d'une splénomégalie et des complications, la maladie peut rester méconnue. Généralement, l’anémie évolue par poussées, avec des épisodes d’aggravation qui sont déclenchés par une infection ou favorisés par une grossesse. Ces crises s’accompagnent de fatigue et parfois de jaunisse. Par ailleurs, la sphérocytose héréditaire peut entraîner la formation de calculs à l’intérieur de la vésicule biliaire (lithiase biliaire) relativement tôt dans la vie. Le plus souvent, ces calculs ne sont pas gênants, mais ils peuvent brutalement provoquer de vives douleurs abdominales, souvent après un repas (coliques hépatiques ou biliaires).
Étiologie et physiopathologie
La sphérocytose héréditaire est la conséquence d'une anomalie quantitative ou/et qualitative de l'une des protéines membranaires impliquées dans l'attachement du cytosquelette à la membrane du GR. Lorsqu’un des constituants de leur membrane est altéré, les globules rouges ne se déforment plus normalement : ils sont alors plus fragiles et sont plus rapidement détruits (hémolyse). Les protéines impliquées sont : bande 3 (50 % des cas), spectrine (30 % des cas) et plus rarement ankyrine ou protéine 4.2.
La fabrication des protéines de la membrane des GR est sous la commande de plusieurs gènes. Lorsqu’un de ces gènes est altéré ou « muté », il ne peut pas donner les informations nécessaires à la production normale du composant membranaire. De nombreuses mutations touchant différents gènes (gène bande 3 (EPB3), gène alpha-spectrine (SPTA1), gène bêta-spectrine (SPTB), gène ankyrine (ANK1)…) ont été caractérisées et entraînent une perte de certaines protéines membranaires des GR. Il s'ensuit une diminution de la surface membranaire caractérisant le sphérocyte, qui s'accompagne d'une déshydratation cellulaire du GR.
Méthodes diagnostiques
Le diagnostic de sphérocytose héréditaire est évoqué sur la présence de sphérocytes sur le frottis sanguin. La technique de diagnostic la plus utilisée actuellement est le test EMA; ce test mesure, par cytométrie en flux, la fluorescence des GR après incubation avec un fluorochrome (l’éosine 5’-maléimide) qui se fixe sur la bande 3 de la membrane : il permet la quantification de la diminution de la surface membranaire. Une autre méthode diagnostique très fiable est l'étude par l'ektacytomètre de la fragilité et de la déformabilité des GR. Des laboratoires spécialisés peuvent analyser les protéines de la membrane des GR afin de repérer quelle est la protéine défectueuse et quelle est l’anomalie génétique en cause dans la maladie mais ceci est rarement pratiqué.
Conseil génétique
La maladie (la mutation du gène) est le plus souvent transmise par l’un des 2 parents : la transmission est dite alors autosomique dominante ce qui signifie qu’un malade a un risque sur deux de transmettre la maladie à chacun de ses enfants. La maladie est généralement présente chez plusieurs membres d’une même famille quel que soit leur sexe. Elle peut aussi apparaître spontanément : il s'agit alors d'une mutation de novo. Egalement, lorsqu’ aucune anomalie hématologique caractéristique de la maladie n'est retrouvée chez les deux parents il peut s’agir d'une transmission par les 2 parents (transmission autosomique récessive).
Le risque de transmettre la maladie à ses enfants dépend donc du type de mutation en cause, et il est fortement conseillé de consulter un médecin référent ou un généticien pour une évaluation précise du risque et pour recevoir les explications appropriées
Prise en charge et traitement
Chez le nouveau-né le traitement de la sphérocytose héréditaire repose en premier sur le contrôle de l'ictère pour éviter la survenue rare mais grave d'une encéphalopathie hyperbilirubinémique (photothérapie, voire exsanguino-transfusion). La survenue d'une anémie profonde nécessite une transfusion de globules rouges. L’anémie peut se prolonger et les transfusions être répétées au cours des 1ers mois de vie. Pendant la première année de vie, le traitement par érythropoïétine peut permettre de diminuer les besoins transfusionnels.
Plus tard les transfusions sont en règles très ponctuelles, par exemple lors d’une poussée d’anémie secondaire à un épisode viral. Il est recommandé de prendre régulièrement des compléments en acide folique par voie orale.
La splénectomie (ablation chirurgicale de la rate) apporte en règle une franche amélioration de l’anémie et de la fatigue. Son indication dans les formes sévères peut être posée après l'âge de 5-6 ans. La pratique plus récente de splénectomie subtotale permet de préserver les fonctions immunitaires de la rate et d’opérer éventuellement de plus jeunes enfants.
Pronostic
La sphérocytose n’entraîne pas de restrictions particulières ou de modification radicale du mode de vie. Le plus souvent, les symptômes sont plus marqués dans la première année de la vie. Par la suite, il peut exister une fatigue et une anémie chronique. Plus tard dans la vie, si l’anémie est profonde, la splénectomie apporte en règle une amélioration très satisfaisante avec souvent disparition définitive des symptômes.