« L’actionnabilité clinique des gènes » : un concept d’actualité dans le cadre des maladies rares et une première évaluation objective pour les myopathies
La notion d’actionnabilité des gènes concerne la possibilité pour un gène donné, de proposer une prise en charge spécifique et efficace à un patient, en cas de variant pathogène identifié dans celui-ci. Ceci implique ainsi que le diagnostic génétique précis permettra une prise de décision pour prévenir l’apparition ou retarder l’évolution d’une maladie chez un patient, voire même d’utiliser un traitement spécifique.
Cette notion est apparue notamment avec le développement des analyses génétiques par séquençage à haut débit.
Le séquençage à haut débit a constitué ces dernières années une révolution majeure dans le domaine du diagnostic génétique, par une augmentation sans précédent des capacités d'analyse de notre patrimoine génétique.
Il y a quelques années, les analyses génétiques étaient limitées à un ou quelques gènes par patient, en fonction de l'orientation diagnostique (parmi les environ 5000 gènes connus pour être impliqués en pathologie humaine, notre génome comportant un total d'environ 20 000 gènes).
Grâce aux nouvelles technologies de séquençage à haut débit, il est maintenant devenu possible d'analyser rapidement et de manière simultanée des dizaines ou centaines de gènes pour un patient, ce qui a permis une augmentation du rendement diagnostique. Un diagnostic génétique de précision ainsi établi est essentiel pour la prise en charge du patient, le conseil génétique sur le plan familial (notamment le risque de récurrence), et d’éventuelles démarches de diagnostic prénatal voire préimplantatoire. Il est à souligner cependant que malgré des progrès constants, de nombreuses maladies rares d’origine génétique restent sans ressources thérapeutiques spécifiques. Aussi, l’importante augmentation des capacités de séquençage implique aujourd’hui une augmentation majeure du nombre de demandes d’analyses réalisées quasi-exclusivement dans le secteur hospitalier public. Il en résulte sur le plan national un allongement des délais de rendu de résultats individuels dans les principaux centres hospitaliers proposant ces approches diagnostiques, avec une réflexion et réorganisation actuellement engagées.
Dans cette situation, une priorisation des analyses peut s’avérer nécessaire, lorsque la suspicion diagnostique chez un patient peut impliquer un « gène actionnable » : en cas d’identification de variant(s) pathogène(s) dans un tel gène, un traitement spécifique peut alors être initié, permettant de prévenir l’apparition ou retarder, voire stabiliser l’évolution d’une maladie. Il apparait ainsi évident que tout retard de diagnostic génétique dans une telle situation peut avoir des conséquences sur l’évolution de la pathologie du patient, par retard d’initiation du traitement spécifique.
Des études préalables menées depuis 2013 ont permis de caractériser des « gènes actionnables » dans différents domaines de maladies génétiques, comme par exemple les troubles congénitaux du rythme cardiaque, certaines formes héréditaires de cancers ou de maladies métaboliques, on encore certaines formes d’épilepsies (avec actuellement à l’APHM pour cette dernière thématique une coordination en cours entre le Service de Neuropédiatrie/Pr. M. Milh et le Service de Génétique médicale/Dr. L. Villard).
Dans le même objectif, et pour la première fois sur le plan international, un travail national a été mené pour caractériser des « gènes actionnables » dans le domaine des myopathies, coordonné par le Pr. Martin Krahn (Service de Génétique médicale/APHM/AMU) et le Dr. Mireille Cossée (Laboratoire de Génétique moléculaire du CHRU Montpellier), en lien avec la Filière de Santé des Maladies Rares Neuromusculaires (« FILNEMUS », coordonnée par le Pr. Shahram Attarian, APHM/AMU ; coordination de projet Emmanuelle Pion).
Ce travail a impliqué les Centres de Référence/Compétence Maladies Rares des différents CHU en France, ainsi que les 9 laboratoires effectuant le diagnostic génétique des myopathies. Sur la base d’une classification semi-quantitative établie par l’organisme Clinical Genome Resource (ClinGen ; 2018) permettant d’évaluer l’actionnabilité clinique des gènes au travers de quatre indicateurs (gravité de la maladie, pénétrance/probabilité de la maladie, efficacité de l’intervention, combinés à l’indication du niveau de preuve), 63 gènes ayant une valeur médicale d’actionnabiltié pour la prise en charge des patients ont été identifiée, comme par exemple des gènes de myopathies métaboliques (pouvant bénéficier de traitements enzymatiques substitutifs) ou de syndromes myasthéniques congénitaux (pouvant bénéficier de traitements spécifiques de la jonction neuromusculaire).
Ces gènes pourront dorénavant être analysés avec une notion de priorisation, dans le cadre des analyses réalisées dans les Laboratoires de Biologie médicale de référence agréés pour le diagnostic des myopathies, et également sur les deux plateformes nationales de séquençage à très haut débit du Plan France Médecine Génomique 2025.