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Éducation thérapeutique du patient - Retour d’expérience à Marseille dans la thalassémie et la drépanocytose des adolescents

Publié le :
11/04/2025 à 10:25

Odile Gosset Infirmière coordinatrice et Catherine Mathey Praticien hospitalier

Service d’Hémato-immuno-oncologie pédiatrique Pr Hervé CHAMBOST

CRMR des syndromes drépanocytaires et thalassémiques

 

De l'accompagnement à l'autonomie : l'éducation thérapeutique des enfants et adolescents atteints de thalassémie et de drépanocytose

 

L'éducation thérapeutique du patient (ETP) est un dispositif essentiel pour aider les patients atteints de maladies chroniques à mieux comprendre et gérer leur pathologie au quotidien. À Marseille, un programme d'ETP spécifique a été mis en place pour les enfants atteints de thalassémie et d'autres hémoglobinopathies comme la drépanocytose. Son but est, grâce à une approche multidisciplinaire, de faire bénéficier les patients d'un accompagnement global qui leur permet de mieux vivre avec leur maladie et de gagner en autonomie.

 

Un programme dédié aux maladies du globule rouge

 

Initié en 2011 par le Centre de référence des thalassémies dirigé par le Dr Thuret, ce programme a progressivement élargi son champ d'action pour inclure d'autres pathologies constitutionnelles du globule rouge. Il repose sur une démarche personnalisée qui prend en compte les besoins spécifiques de chaque patient et de son entourage.

 

Malgré les bénéfices reconnus de l'ETP, préconisée dans la loi 2009 sur la réforme Hôpitaux Patients Santé Territoire, moins de 5 % des patients en bénéficient. Plusieurs freins sont identifiés : un manque d'information, des difficultés d'organisation, mais aussi une certaine réticence à assister aux séances à l’hôpital du fait des venues répétées à l’hôpital et des freins liés à l’adolescence. En effet cette période d’intenses changements liés à la puberté est peu propice aux entretiens avec les adultes, et donne lieu souvent à un sentiment de colère ou de déni vis-à-vis de la maladie. De plus, il est souvent capital pour l’adolescent de s’identifier à un groupe de « pairs » et d’être dans la « normalité ».

 

Des séjours adaptés pour une meilleure prise en charge

 

Pour pallier ces obstacles, nous proposons des séjours d'ETP en dehors de l’ hôpital qui sont organisés plusieurs fois par an. Ces sessions, d'une durée de un à trois jours, rassemblent une dizaine d'enfants dans un cadre convivial et rassurant, telle qu’une association collaborant avec le service d’hématologie pédiatrique. L’association « Sourire à la vie » accueille ces séjours au sein de son lieu de vie dédié aux enfants et adlosecnts le "Phare des Sourires".

 

Au cours de ces séjours, les jeunes patients qui partagent la même maladie ont un sentiment de cohésion intense et de compréhension mutuelle. Ils participent à divers ateliers instructifs et ludiques sur leur maladie : fonctionnement des globules rouges, surcharge en fer, connaissance des médicaments, gestion des crises vaso-occlusives... Des outils ludiques et pédagogiques sont utilisés, comme des vidéos, des outils créés manuellement « faits maison », des jeux de société créés par la filière ROFSED (réseau francilien des enfants drépanocytaires) « Drepanorisk » « arbre généalogique » et les jeux de rôles permettant de simuler des situations de la vie quotidienne (expliquer sa maladie à un professeur de sport sceptique, gérer une crise douloureuse, préparer un voyage avec sa pathologie, etc.).

 

 

Des activités de bien-être complètent le programme : yoga, sophrologie, musique et activités manuelles contribuent à améliorer l'image de soi et à renforcer la confiance des patients.

 

Le principe de se retrouver en dehors de l’hôpital dans un lieu agréable lève les freins du côté contraignant et peu attractif de l’ETP pratiqué dans une salle à l’hôpital.

 

Le fait de partager des activités récréatives incite les liens, les discussions et les échanges d’expériences.

 

L'impact de l'éducation thérapeutique

 

Les bénéfices de ces séjours sont multiples. Sur le plan médical, les patients deviennent plus autonomes dans la gestion de leur traitement, ce qui permet une meilleure adhésion aux soins et une réduction des complications. Sur le plan psychologique, ils développent une approche positive de leur santé, comme en témoigne Youssef, un jeune participant : « Je suis content d’avoir cette maladie, ça m’a permis de tous vous connaître. »

 

Lydia, une autre patiente, raconte comment ces séjours lui ont donné la force de faire face à l'incompréhension de son entourage : « Mon prof me harcelait et parlait de ma maladie devant la classe. Je lui ai demandé d'arrêter sur Pronote. »

 

Ces retours illustrent l'importance de l'ETP dans la construction de l'estime de soi et dans la capacité à affirmer ses besoins et trouver des ressources face à la société.

 

Un enjeu de santé publique

 

La drépanocytose est aujourd’hui la première maladie génétique au monde et en France. Sa prise en charge efficace repose sur une autonomisation des patients afin de mieux gérer les complications et de limiter les hospitalisations. Le programme d’ETP mis en place à Marseille constitue une réponse adaptée à ces enjeux. Ce programme a permis d’inclure 70 à 80% des enfants atteints de thalassémie et drépanocytose polytransfusés au cours de ces 5 dernières années et permet de préparer la transition vers les services d’adultes.

 

Au-delà du suivi médical, l’ETP est un véritable levier d’insertion sociale et de bien-être pour les patients. En les formant à mieux comprendre leur maladie, et à adopter des stratégies efficaces pour la gérer, à être sensibilisés au bien-être en général, elle leur permet de reprendre le contrôle sur leur vie et de regarder l’avenir avec plus de sérénité.