En psychiatrie infanto-juvénile, l’Opéra fait sensation(s)
« Combien d’entre vous sont déjà allés à l’Opéra ? »
Dans l’assemblée, composée d’une vingtaine d’enfants âgés de 8 à 13 ans environ, deux mains se lèvent.
« L’Opéra c’est un peu comme le théâtre. Qui est déjà allé au théâtre ? »
Seulement quatre enfants se signalent. Qu’importe, cela n’empêchera pas Benjamin Clasen (Alto), Stéphane Coutable (Basson) et François Torresani (Violoncelle), de capter l’attention des enfants et de leur communiquer leur passion. Les trois musiciens de l’Orchestre Philharmonique de Marseille sont amis de longue date et ont l’habitude de jouer ainsi en trio. Cela se sent, et cela s’entend. Il y a entre eux une complicité parfaite, une aisance dans l’interprétation mais aussi dans la façon de s’exprimer, d’expliquer avec beaucoup d’intelligence et de simplicité le répertoire, les instruments, le métier de musicien.
Nous sommes à l’Hôpital Sainte-Marguerite, dans l’Unité de Psychopédagogie du service de Psychiatrie infanto-juvénile du Pr Poinso. Une unité composée de 6 classes où travaille, aux côtés des équipes médicales et soignantes du service, une équipe d’enseignants spécialisés de l’Education Nationale. Les enfants accueillis ici souffrent de troubles du spectre autistique, de troubles de l’attention, d’hyperactivité, de troubles anxieux… Certains sont réputés ne jamais tenir en place, d’autres ne s’exprimer qu’en de très rares occasions. Aujourd’hui, à l’occasion de cette rencontre, tous seront à l’écoute, certains participeront activement, poseront des questions, réaliseront qu’ils connaissent en fait, sans le savoir, de nombreux airs et mélodies (Boléro de Ravel, Traviata de Verdi…).
« Eh oui, l’Opéra aussi a donné de véritables tubes ! »
Souvent les enfants se laissent emporter par la fougue du rythme et la virtuosité des musiciens. En l’espace de 45 minutes, ces derniers feront vivre aux enfants un formidable panel d’expériences : variations de tempo et d’intensité, nuances, explorations sonores en parcourant les possibilités offertes par les instruments, avec parfois des techniques étonnantes comme la respiration circulaire au basson…
Après une vingtaine de minutes, à la fin d’un morceau, un enfant qui n’avait jusque-là rien dit lève la main et fait cette remarque qui surprend tout le monde par sa justesse, que ce soient les musiciens eux-mêmes ou les enseignants spécialisés présents :
« Quand vous chantez des instruments, on dirait qu’ils ont des sentiments. Des fois c’est la joie, des fois la tristesse, la colère… »

Bien sûr, à plusieurs moments aussi, l’attention de quelques-uns se relâche. Ils trépignent un peu, regardent ailleurs et n’ont plus la même écoute. Mais les musiciens parviennent toujours à restaurer le lien, alternant temps de parole et interprétation, faisant preuve d’une grande finesse et d’une adaptabilité permanente dans cet exercice de funambulisme si particulier. Et au fond il y a là de leur part, du début à la fin, un magnifique travail d’improvisation.
Juste avant la fin, les musiciens proposent à quelques enfants de devenir leur chef d’orchestre. Par les mouvements de leurs bras, ils marquent le rythme, avec des gestes amples ou mesurés ils font varier l’intensité sonore. Ils peuvent suspendre les sons, les relancer, jouer en quelques instants seulement d’une étonnante variété de paramètres et en saisir les subtilités. Ce sont eux qui dirigent !
Benjamin Clasen propose aussi à un enfant de poser sa main à plat contre le dos de l’alto, alors que l’archet se déplace sur les cordes, pour ressentir les vibrations se propager dans son corps.
Qui d’entre nous a déjà eu l’occasion de vivre semblables expériences ? Grâce au partenariat culturel entre l’Opéra Municipal de Marseille et l’AP-HM, les enfants suivis à l’Unité de Psychopédagogie auront eu cette chance.