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Une Unité d’Accueil Pédiatrique pour l’Enfance en Danger à l’AP-HM

Publié le :
21/06/2024 à 10:00

Quand la vulnérabilité n’est pas prise en considération, n’est pas respectée. Lorsque la dépendance est instrumentalisée, que la confiance est en défaut. Lorsque les mots manquent et que la violence s’installe, verbale, physique… lorsque le soutien est défaillant, la sécurité en péril, que les besoins sont ignorés… l’enfance est en danger, l’avenir est compromis.

Créée en septembre 2022, l’Unité d’Accueil Pédiatrique pour l’Enfance en Danger (UAPED) de l’Hôpital de la Timone (Pr Brigitte CHABROL) est dédiée au repérage, à l’évaluation médicale, psychologique et sociale ainsi qu’au soin des enfants victimes d’abus, de maltraitance et négligence. L’UAPED accueille prioritairement des enfants âgés de moins de 15 ans, mais en cas d’inceste ou s’ils cumulent des fragilités, les enfants peuvent y être reçus jusqu’à leur majorité. L’équipe pluridisciplinaire a pour principales fonctions de prévenir, porter assistance, protéger, écouter, orienter. Elle apporte également son expertise en cas de réquisitions judiciaires impliquant les enfants victimes de violences, essentiellement intra-familiales.

Les UAPED sont répartis sur l’ensemble du territoire, en fonction des différents secteurs juridictionnels. Il existe actuellement sept UAPED en Région PACA (bientôt neuf), dont deux dans les Bouches-du-Rhône : à Marseille et Aix-en-Provence. Ces structures ont été créées pour garantir aux mineurs un accès à des soins et à un accompagnement spécialisés. Avant l’instauration de ce dispositif, moins de 10% des enfants pris dans des procédures judiciaires voyaient un psychologue, avec pour conséquences l’apparition ou l’aggravation de troubles psychiques durant les années suivantes. Grâce aux UAPED ils peuvent au sein d’un lieu unique, accueillant et sécurisant, être auditionnés par la police (dans une salle « Mélanie », spécialement conçue à cet effet, avec enregistrement vidéo et vitre sans tain), examinés par les médecins légistes de l’Unité Médico-Judiciaire et surtout bénéficier d’une prise en charge globale et adaptée (pédiatrique, psychologique et sociale). Le fait de concentrer en un seul lieu toutes ces étapes clefs dans le parcours des enfants permet de limiter pour eux les situations stressantes et éprouvantes, susceptibles de réactiver des vécus traumatisants.

« Nous avons une position de vigie et aussi de coordination des soins, avec pour principale préoccupation le bien-être physique et psychologique des enfants. Toutes les dimensions doivent être prises en compte et il arrive fréquemment que nous recevions aussi les familles pour organiser au mieux le suivi, déclencher une aide éducative ou une protection » explique Cécile COULON, psychologue.

Outre le parcours médico-judiciaire, les enfants peuvent être adressés par des médecins extérieurs pour des faits de maltraitance avérés ou supposés. L’UAPED travaille naturellement avec un réseau de nombreux partenaires institutionnels et associatifs, aussi bien pour la détection des situations à risque que pour l’organisation ultérieure d’un suivi (ARS PACA, Tribunal judiciaire de Marseille section mineurs, Conseil départemental 13 dont la CRIP13, services de police et de gendarmerie, AVAD…). L’équipe a d’ailleurs été désignée « Equipe Pédiatrique Régionale Référente Enfance en Danger » (EPRRED), ce qui fait d’elle un acteur de premier ordre pour l’orientation, la sensibilisation, la formation des professionnels engagés auprès des enfants, ainsi qu’un interlocuteur privilégié pour les autres UAPED de la région.

« Nous fonctionnons comme un lieu ressource pouvant fournir une expertise, un appui, aider à établir un diagnostic. En intra-hospitalier, les équipes des différents services pédiatriques peuvent aussi faire appel à nous si elles ont des doutes concernant un enfant, si elles décèlent des signes de potentielle maltraitance. » (Cécile COULON)

Et cela commence dès le premier âge, quand par exemple les services de réanimation pédiatrique ou de neurochirurgie ont affaire à des syndromes de bébés secoués. La mise en place d’un suivi le plus tôt possible est toujours préférable et même cruciale à cet âge.

« Certains enfants semblent récupérer très vite. Une idée assez répandue est que si la situation dramatique s’est produite alors qu’ils étaient tout petits, alors ils ne s’en souviendront pas. Mais même s’il n’y a pas de séquelles physiques, inconsciemment tout cela laisse des traces, pouvant donner lieu à de sérieuses difficultés telles que des troubles attentionnels, de l’apprentissage et du développement. »

Les facteurs de risques d’un passage à l’acte violent de la part des parents sont nombreux et souvent intrinsèquement liés les uns aux autres. Ils relèvent de l’histoire personnelle, d’une éventuelle fragilité psychique, du niveau de communication au sein du couple, des conditions de vie sociales et matérielles, de l’état de santé de l’enfant…

« Nous pouvons tous être traversés de pensées violentes mais ce qui fait le passage à l’acte c’est avant tout le manque de mots. La capacité à dire est protectrice. Je reçois parfois des mamans en épuisement maternel, qui me disent qu’elles n’en peuvent plus, qu’elles sont à bout. Le simple fait qu’elles soient en capacité d’en parler est rassurant. Mettre des mots sur des ressentis est déjà en soi un critère préventif important. De la même manière, le vécu et la parole des enfants doivent eux aussi pouvoir être recueillis dans les meilleures conditions. »

En 2022/2023, l’équipe de l’UAPED Timone a pu voir 460 enfants dont 220 dans le cadre d’un parcours judiciaire. Elle a réalisé plus de 830 consultations et organisé plusieurs journées de sensibilisation. En collaboration avec Aix-Marseille Université, elle propose en outre un Diplôme Universitaire « Enfance en danger », ouvert aux professionnels de la santé ou en lien avec la protection de l’enfance.