Communiquer avec les familles : des médecins se forment en réa pédiatrique
S’en remettre à son médecin pour un diagnostic, un traitement, une opération. Quand les problèmes sont bénins, cela semble aller de soi. Lorsque l’enjeu est plus sérieux, voire vital, l’acceptation peut déjà être plus complexe. Alors que peuvent ressentir des parents dont l’enfant est admis en réanimation ?
Une angoisse diffuse bien sûr. De chaque instant. Le sentiment d’être démuni, de devoir confier l’être qui leur est le plus cher à des étrangers, sans être en mesure d’agir, d’avoir une quelconque influence sur le cours des choses. Des parents dans cette situation ont besoin d’écoute, ils sont en demande d’informations claires, accessibles et justes. Ils ont besoin que l’on prenne le temps, avec des mots simples, de leur expliquer le déroulement des soins, les stratégies, les perspectives. Ils ont besoin qu’on leur répète les informations car dans cet environnement les repères, rapidement, se perdent. Ce qu’ils croyaient avoir compris sur le moment fait émerger, l’instant d’après, de nouveaux doutes, de nouvelles craintes.
Essayons à présent d’adopter le point de vue d’un soignant. La nouvelle qu’il doit annoncer à la famille n’est pas bonne. L’incertitude est forte quant aux séquelles susceptibles d’affecter durablement l’enfant. Il aimerait trouver le bon équilibre entre une parole d’espoir et un discours réaliste, mais se sent très touché, comme démuni lui aussi. Alors ce sont des termes purement techniques qui lui viennent et qu’il égrène parfois sur un ton de détachement. Il se rend bien compte que ce n’est pas adapté et en ressent de l’embarras à tel point qu’il tente, malgré lui, d’abréger autant que possible cette entrevue.
Le Professeur Fabrice MICHEL, chef du service d’Anesthésie Réanimation pédiatrique de la Timone, a parfaitement conscience de la manière dont la relation avec les familles peut être affectée par de tels échanges. Extrêmement soucieux de prendre non seulement soin des enfants hospitalisés dans son service, mais aussi des familles et des proches, il a monté avec Rachel OHNOUNA, psychologue, un projet pilote de formation destiné dans un premier temps aux internes mais aussi, à terme, aux médecins et infirmiers. Axée sur l’accueil et l’accompagnement, cette formation vise à aider les soignants à mieux appréhender les enjeux éthiques et psychiques à l’œuvre dans la relation aux familles et aux proches.
Le Professeur Fabrice MICHEL et Rachel OHNOUNA, tous deux membres de l’Espace Éthique PACA Corse, ont imaginé un programme sur deux jours pleins alternant apports théoriques et temps de réflexion sur des situations concrètes comme le premier entretien ou différents types d’annonces. L’une des originalités de cette démarche réside également dans la mise en place, durant la formation, de séances de simulation relationnelle ou les participants adoptent tour à tour la place des parents et celle des soignants. Il s’agit avant tout de mesurer l’impact de la parole, de comprendre qu’il ne suffit pas de délivrer des informations mais de faire en sorte qu’elles soient intelligibles, adaptées aux personnes, au contexte, à l’instant. Se soucier du vécu psychique des patients et de leur entourage, c’est leur montrer qu’ils sont considérés et véritablement impliqués dans le déroulement des soins. Pour autant, cela nécessite de ne pas se laisser déborder par ses propres émotions. Un travail éminemment subtil pour lequel les internes eux-mêmes se savent insuffisamment préparés. Le projet a, de fait, rencontré énormément de succès dès les premières sessions, avec des retours très positifs à l’issue de la formation. Rachel OHNOUNA et le Pr MICHEL espèrent que des initiatives similaires, adaptées aux problématiques rencontrées dans d’autres services de soins, pourront se développer davantage comme cela est déjà le cas dans d’autres pays.
Leur démarche s’inscrit dans une volonté globale d’amélioration de l’accueil et de l’accompagnement des proches. Un agent capable d’accueillir au mieux les familles avant leur entrée au sein du service est désormais présent chaque jour. Les parents qui ont perdu un enfant ont, s’ils le souhaitent, la possibilité de revenir rencontrer l’équipe. Des actions et un engagement qui, dans ces situations de profond bouleversement, peuvent faire toute la différence.