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Insuffisance mitrale dégénérative : d’importantes disparités de pronostic entre hommes et femmes

Publié le :
05/07/2024 à 09:26

De nombreuses inégalités entre hommes et femmes subsistent encore dans notre société. Si certaines sont connues et combattues, d’autres sont hélas encore assimilées, à tort, à des normes qu’il reste à démanteler. A ce titre, le Pr Jean-François AVIERINOS et son équipe (service de valvulopathie et Insuffisance cardiaque de la Timone, en collaboration avec le service de chirurgie cardiaque) ont récemment publié dans le prestigieux « European Heart Journal » les résultats éloquents d’une étude sur les disparités de pronostic et d’accès à une chirurgie précoce en cas d’insuffisance mitrale (IM) dégénérative.

La circulation du sang au niveau du cœur est régulée par 4 valves, dont la valve mitrale. Composée de deux feuillets et de cordages la rattachant à la paroi du ventricule, la valve mitrale contrôle le passage du sang oxygéné de l’oreillette gauche vers le ventricule gauche. Lors de la contraction de ce dernier, la fermeture de la valve permet que le sang soit totalement dirigé vers l’aorte et ne reflue pas dans l’atrium. Mais dans certains cas, la valve mitrale présente une fuite pouvant évoluer vers une insuffisance mitrale sévère. L’étiologie prédominante est le prolapsus valvulaire mitral et le traitement de référence de l’IM par prolapsus, dite dégénérative, est la réparation de la valve ou plastie mitrale. L’intérêt d’une correction chirurgicale précoce des fuites mitrales volumineuses et accessibles aux méthodes modernes de réparation a pu être démontré par plusieurs études antérieures :

« Plus vite l’étanchéité de la valve mitrale est restaurée, meilleur est le pronostic pour les patients. Or, nous avons constaté que les femmes étaient à ce niveau moins bien prises en charge que les hommes. Nous avons donc souhaité creuser la question et établir des comparaisons à l’aide des données du registre MIDA 1 . Nous avons sélectionné 2310 patients admis en centres de référence et évalué les différences entre les hommes et les femmes en termes de tableau clinique, d’histoire naturelle sans surveillance médicale, de prise en charge et de pronostic global. » (Pr Jean-François AVIERINOS)

Les constats sont sans appel. Beaucoup plus d’hommes que de femmes ont accès aux centres tertiaires (72% vs. 28%), alors que le taux d’incidence du prolapsus est globalement plus élevé chez les femmes. En outre, ces dernières sont orientées nettement plus tardivement vers les grands centres spécialisés, ce qui a pour conséquence une aggravation de leur pathologie au moment de la prise en charge. Enfin, à niveau de fuite mitrale égale, les hommes sont beaucoup plus souvent opérés que les femmes qui, même après consultation, restent plus longtemps sous surveillance que les hommes. De fait, la surmortalité induite par la présence d’une fuite mitrale est considérablement plus élevée chez les femmes dont le pronostic global est plus sombre que celui des hommes même après correction chirurgicale.

« Grâce à la chirurgie les hommes récupèrent une espérance de vie équivalente à la population générale, ce qui n’est absolument pas le cas pour les femmes. »

Comment expliquer de telles disparités lourdes de conséquences ?

« Il y a de toute évidence une dimension socio-culturelle à prendre en compte. Dans l’imaginaire collectif, les femmes représentent encore bien souvent le pilier du foyer, sa solidité, sa stabilité. A ce titre elles ont tendance à se rendre plus tard chez le médecin. Une autre donnée cette fois d’ordre physiologique et qui nous concerne directement en tant que praticiens hospitaliers : les femmes sont en moyenne plus petites que les hommes et ont également un cœur plus petit. Or, les seuils de dilation du ventricule gauche permettant de savoir quand poser l’indication chirurgicale ont été estimés et établis à partir d’une population à 80% masculine ! »

Autrement dit ces valeurs de référence, évaluées d’après les données de patients masculins, sont aussi appliquées chez les femmes, sans discernement véritable. Leur ventricule gauche apparaît ainsi moins dilaté en valeur absolue ce qui rassure à tort le médecin. Mais une fois que leur surface corporelle, combinant taille et poids, a été intégrée au calcul, il s’avère être en réalité considérablement plus dilaté que celui des hommes au moment de leur prise en charge, traduisant une maladie valvulaire plus évoluée dont le pronostic est nécessairement plus sombre.

« Ce travail montre à quel point il est crucial de réviser et même de redéfinir nos paramètres échographiques en les adaptant au sexe et en les indexant à la surface corporelle des patientes et patients. C’est là l’objet de travaux qui seront initiés prochainement. »

Une étude qui promet d’avoir un fort impact en France comme à l’international et pourrait aussi inspirer des recherches dans d’autres spécialités et champs médicaux.

1 Mitral regurgitation International DAtabase : de nombreux travaux de recherche se sont déjà appuyés sur ce registre international fondé en 2005.