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Cibler le cœur des tumeurs avec la radioembolisation

Publié le :
06/06/2023 à 16:04

C’est une procédure qui requiert une équipe experte, un traitement qui ne peut être administré sans une collaboration parfaitement organisée entre Gastroentérologues, Radiologues interventionnels, Médecins Nucléaires, Physiciens médicaux, Manipulateurs en électroradiologie, Radiopharmaciens, infirmières. Cette technique extrêmement élaborée de radiothérapie interne sélective permet de cibler les lésions avec des microsphères radioactives, injectées dans les artères vascularisant les tumeurs intra-hépatiques.

 

Un cathéter est introduit jusqu’au foie par l’artère fémorale ou radiale. Afin de préserver les autres organes sains de toute irradiation, le dosage, les zones à cibler et le trajet à emprunter pour les atteindre à l’aide du cathéter sont étudiés avec la plus grande précision, au cours d’une phase de simulation appelée « Work-up ».

 

« Afin d’obtenir une cartographie vasculaire et tumorale du foie, une angiographie 3D CT combinant un scanner et une artériographie est réalisée. Il est ainsi possible de situer précisément la ou les lésions, et surtout de repérer tous les pédicules vasculaires rattachés. Lorsque la lésion est unique et vascularisée par une seule artère, le cas est très favorable. Le cathéter pourra être positionné de manière  sélective dans cette artère afin de délivrer une dose très importante dans la lésion tout en épargnant le reste du foie. Nous parvenons aujourd’hui, grâce au développement de la technique, à sélectionner et circonscrire très précisément les zones à traiter. » explique le Dr Olivier DURIEUX, Radiologue interventionnel. 

 

Une fois les artères identifiées, le radiologue et le médecin Nucléaire décident du positionnement du cathéter et réalisent une injection de macro-agrégats d’albumine marqués au technetium-99m.

 

« L’albumine est une protéine qui a tendance à s’agréger sous forme de sphères. Elle permet de simuler le traitement qui sera administré par la suite. Cette albumine est radiomarquée, c’est-à-dire très légèrement radioactive de par la présence de technetium-99m, un radioélément couramment utilisé ayant une énergie faible qui disparaît rapidement. » précise le Pr Bardia FARMAN, Physicien nucléaire, Référent Physique Imagerie et Médecine Nucléaire à l’Hôpital de la Timone.

 

Dès l’injection effectuée, le patient est brancardé de la salle d’angiographie au service de Médecine nucléaire. L’équipe ne dispose que d’une heure pour vérifier par imagerie, notamment tomographie du foie et imagerie 3D, l’absence de fuite vers les parties saines du foie ou vers d’autres organes. L’étape de dosimétrie va ensuite être menée. Elle consiste à observer, grâce au scanner et à la scintigraphie, la dispersion et la concentration de radioactivité dans les tissus.

 

« A partir de ces observations, nous pouvons virtuellement substituer le radioélément d’imagerie à faible énergie au radioélément destiné à irradier le tissu hépatique lors du traitement, à savoir l’Yttrium-90. Il s’agit alors de calculer le dosage le plus adapté et la manière dont il va se distribuer dans le foie. C’est une étape importante au cours de laquelle physicien et médecin nucléaire travaillent de concert, avec l’avis éclairé du radiologue interventionnel. » (Dr Claude SOMMA, Médecin nucléaire)

 

La dosimétrie doit respecter deux impératifs : la préservation du foie sain et de la fonction hépatique d’une part, l’administration d’une dose tumoricide aux lésions tumorales d’autre part.

 

Le traitement a généralement lieu une semaine plus tard. Le positionnement doit être exactement identique à celui déterminé lors de la phase précédente de simulation (work-up). Le produit radioactif préparé par les radiopharmaciens est contenu dans une boîte de plexiglass afin d’assurer la protection du personnel lors de l’injection.

 

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« L’injection ne dure que quelques minutes et n’est pas douloureuse. Dans la plupart des cas aucun effet secondaire n’est à déplorer, contrairement aux traitements systémiques ou à la chimioembolisation. Une fois que le produit a été injecté le patient retourne dans le service de médecine nucléaire ; la dispersion du produit est contrôlée par imagerie. Une nouvelle session de dosimétrie permettra de comparer les concentrations du produit radioactif aux calculs faits précédemment lors du work up. Le patient pourra sortir le jour même ou le lendemain matin.» (Dr SOMMA)    

 

Les microsphères vont continuer à agir sur les lésions pendant environ 6 mois. La dose de radioactivité absorbée est importante, mais très localisée. Aucune radiation n’est à craindre pour l’entourage.

 

Les scanners de contrôle seront réalisés à un mois, puis au troisième mois suivant l’injection :

 

« A l’imagerie, on observera simultanément un processus de nécrose des régions tumorales, et un processus de régénération du foie sain, le foie étant le seul organe capable de se régénérer et de compenser d’éventuelles pertes de cellules. » (Pr FARMAN)

 

Face à des cancers hépatiques inopérables de par leur envahissement, la radioembolisation constitue une excellente alternative aux traitements médicamenteux dont les effets secondaires sont souvent importants. Elle peut en outre s’avérer particulièrement utile dans le cas de patients en attente de greffe hépatique. Les greffons sont effectivement rares et les listes d’attente longues pour ce type d’intervention. Le traitement permet aux malades de patienter sans que la maladie progresse  pendant ce laps de temps. Autre avantage considérable : certaines tumeurs auparavant inopérables le deviennent après radioembolisation. Cette technique est également utilisée pour soigner les métastases hépatiques des cancers digestifs et les cholangiocarcinomes (tumeurs des voies biliaires hépatiques).

 

Les indications sont donc nombreuses et appelées à se multiplier dans l’avenir :

 

« Des essais ont déjà été menés, en particulier à Chicago, et dans un futur plus ou moins proche nous pourrons sans doute employer cette technique pour traiter d’autres types de tumeurs, qu’elles soient cérébrales, pulmonaires, rénales ou encore prostatiques. » (Dr SOMMA)