Soin des brûlures profondes : l’expertise du Centre des Brûlés inter-régional Méditerranée
Les brûlures profondes sont des lésions particulièrement complexes à traiter. Elles nécessitent une expertise pluridisciplinaire et des locaux parfaitement adaptés. La Réanimation polyvalente de l’Hôpital de la Conception est également Centre des brûlés inter-régional Méditerranée. Tout y est prévu pour assurer cette prise en charge spécifique méconnue qui concerne la région toute entière ainsi que la Corse.
On parle de grands-brûlés à partir de 25% de surface corporelle atteinte chez l’adulte, 20% chez l’enfant. Mais bien sûr, l’étendue de la brûlure n’est pas le seul aspect à prendre en considération pour évaluer sa gravité : sa profondeur (dès le 2ème degré profond, le recours à une greffe de peau est généralement indispensable), sa localisation ainsi que l’état de santé global du patient sont également des critères déterminants. Des brûlures au visage ou au cou peuvent en effet engager directement le pronostic vital. Des brûlures sur des zones fonctionnelles comme les mains sont quant à elles susceptibles d’avoir de lourdes répercussions en termes d’autonomie et de qualité de vie. Enfin, la gravité dépend aussi de l'agent ayant occasionné la brûlure. Les brûlures chimiques ou électriques, ainsi que les brûlures accompagnées d’inhalation de fumée sont les plus graves, mais heureusement aussi, les plus rares.
« Parmi les causes principales, il y a chez les enfants l’eau bouillante renversée par exemple, ou encore les petits qui posent les mains sur les surfaces chaudes comme le four, la cheminée… Chez les adultes nous avons tout ce qui est incendies, tentatives d’immolation même parfois. On peut également remarquer une forme de saisonnalité de la brûlure. En été nous avons les conducteurs de deux-roues qui circulent sans la moindre protection, notamment au niveau des bras et des jambes, ou encore les accidents de barbecue. En hiver, ce seront plutôt des problèmes de cheminée. » explique le Dr Aurélie HAUTIER, chirurgienne experte au Centre des brûlés (service de Chirurgie plastique et réparatrice de l’Hôpital de la Conception).
« Il y a cent ans, avant les progrès de la réanimation, 98% des grand-brûlés décédaient ». Principalement en cause dans ce taux de mortalité extrêmement élevé : un phénomène appelé choc hypovolémique.
« Les patients mourraient d’une sorte de déshydratation. La brûlure entraîne une forte réaction inflammatoire avec formation d’un œdème extravasculaire. Les vaisseaux vont se vider de leur liquide qui va passer dans les tissus. La conséquence est un désamorçage de la pompe cardiaque. Le cœur s’arrête de battre car il n’y a plus rien à pomper. Aujourd’hui c’est une situation que l’on ne rencontre pratiquement plus car les patients sont très rapidement et abondamment perfusés. »
Les brûlures sont en outre fréquemment cause d’infections, qu’elles soient cutanées, pulmonaires, urinaires…
« En fait le corps est tellement en recherche de cicatrisation qu’il s'auto consomme pour cicatriser. C’est ce qui fait le lit du déficit immunitaire et de l'infection. Le choc septique est je pense la plus grande cause de mortalité chez les grands brûlés, dès lors qu’ils ont passé le cap des premiers jours. Contrairement à d’autres spécialités qui ont des plaies à traiter, nous sommes donc très axés sur l’antisepsie. »
A leur arrivée au Centre des brûlés les patients, adultes et enfants à partir de 25kg, sont soit directement admis en réanimation, soit placés en unité de soins continus. Les cas les moins graves auront quant à eux transité par les soins externes et été orientés après une première consultation.
Les locaux, que ce soit les chambres ou le bloc opératoire situé à proximité immédiate, sont maintenus en permanence à une température qui avoisine les 35° et sont en surpression : un environnement de travail très particulier pour les équipes, mais sans lequel la survie des patients serait menacée.
« L’une des principales fonctions de la peau est la thermorégulation. Lorsque la peau est détruite, le corps est non seulement vulnérable aux infections comme nous l’avons vu, mais la température corporelle peut aussi chuter en quelques minutes. L’intérêt de chauffer les chambres est donc d’éviter les risques d’hypothermie. »
Les patients seront opérés une ou plusieurs fois en fonction de la gravité de leurs brûlures. En effet, si jusqu’au deuxième degré superficiel la cicatrisation est encore possible en moins de dix jours, le processus mettra de dix jours à plusieurs mois pour du deuxième degré profond. L’excision greffe est recommandée si la cicatrisation n’est pas terminée au bout de trois semaines, car il y a ensuite un risque de cicatrice pathologique (cicatrice épaisse, douloureuse, qui rétracte…). En ce qui concerne le troisième degré, à moins que cela ne concerne qu’une minuscule surface qui pourra cicatriser par les bords, la greffe est indispensable car la lésion n’a pas de potentiel de cicatrisation. Une excision greffe consiste à retirer les tissus brûlés, puis à prélever de la peau saine afin de la greffer sur la zone concernée.
« Il y a bien sûr des zones privilégiées pour les prélèvements de peau saine, même si chez les grands brûlés ce ne sont pas toujours ces zones classiques qui ont été épargnées. Généralement les prélèvements se font sur les cuisses ou au niveau du cuir chevelu. Lorsque de très grandes surfaces ont été brûlées, nous pouvons être amenés à effectuer plusieurs prélèvements et à utiliser différentes techniques d’amplification des greffes afin d’obtenir une surface plus importante. »
Trois jours après l’intervention, les pansements sont retirés une première fois puis commence une longue phase de cicatrisation avec des pansements réguliers, soit tous les jours, soit tous les deux jours. Les grands-brûlés partent ensuite en Centre de rééducation spécialisé. L’AP-HM est conventionnée avec le Centre Léon Bérard à Hyères, avec lequel le Centre des brûlés travaille depuis de nombreuses années.
« Même les patients qui n’ont pas besoin d’être transférés en Centre de rééducation doivent être suivis et accompagnés. Je les revois généralement tous les trois à six mois pendant deux ou trois ans. Cette période correspond à toute l’évolution d’une cicatrice. Pendant ces deux ans il y aura une phase inflammatoire, la cicatrice va rougir, s’épaissir etc. Tout cela nécessite un certain nombre de mesures comme des vêtements compressifs sur-mesure que nous prescrivons aux patients, ou encore des séances de rééducation chez un kinésithérapeute. Et bien sûr des reprises chirurgicales sont parfois nécessaires. Quant aux enfants je les revois tout au long de leur croissance, le suivi s’étend donc souvent bien au-delà de la période de deux ans. »
Le parcours de soins complet est primordial car la chirurgie seule n’est pas suffisante pour espérer guérir avec le moins de séquelles possibles, tant d’un point de vue esthétique que fonctionnel. Seuls les centres des brûlés et les réseaux affiliés peuvent apporter une prise en charge optimale.
Quelques conseils de prévention :
- Ne jamais allumer ou réactiver un feu ou un barbecue à l’aide d’un liquide inflammable
- Etre vigilant dans l’utilisation de modes de cuisson tels que la cocotte-minute ou la friture
- Ne jamais laisser de l’eau chaude ou des solides chauds (four, poêle, insert de cheminée..) à portée des enfants de moins de 5 ans.
- Contrôler la température de l’eau chaude sanitaire dans les logements des personnes âgées
- Ne jamais jeter de mégots de cigarette allumés.
- Porter des gants et des lunettes de protection en cas de manipulation de produits chimiques,
- Porter des gants, protections des membres inférieurs et bottes adaptées, en cas d’utilisation de béton et ciment
- Porter des vêtements adaptés en cas de conduite de deux-roues, même l’été.
- Proscrire l’utilisation de bonbonnes de protoxyde d’azote en inhalation à usage récréatif (de façon regrettable en vente libre), maintenues par l’utilisateur entre les cuisses, à l’origine de brûlures très profondes par le froid au niveau de l’entrecuisse