Gestion des Emplois et des Compétences dans un contexte de Crise sanitaire : Un véritable Challenge.
Depuis le 17 novembre 2019, l’épidémie de COVID-19 se propage dans le monde, cette pandémie est qualifiée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) le 11 mars 2020 : Le COVID-19 est qualifié de «crise sanitaire[1] mondiale majeure de notre époque ».
À la demande de l’Agence Régionale en Santé (ARS) PACA, tous les établissements de santé – notamment ceux de la première ligne - sont mobilisés.
Ils voient leur Plan Blanc activé le samedi 14 mars 2020. Ils se réorganisent, en déprogrammant les interventions chirurgicales non urgentes et les consultations. Ils augmentent leur capacitaire en lits critiques, et créent des unités conventionnelles COVID-19, en définissant des circuits « COVID et non COVID ».
Face à cette crise d’ampleur exceptionnelle, il faut faire vite et bien ! La notion de temps n’existe plus, tout doit être fait dans l’immédiateté, afin d’être prêts pour faire face à la « vague » annoncée.
Un seul mot d’ordre mobilise tous les acteurs : « COVID-19 » !
L’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille (AP-HM) se met en ordre de marche, en bénéficiant de l’expérience de l’Italie mais aussi de celle du Grand EST.
Des unités d’hospitalisation sont dédiées à la prise en charge des patients atteints par le COVID-19, amenant de nombreuses restructurations au sein des hôpitaux.
Des réanimations « naissent » hors des réanimations : « on pousse les murs ».
Des unités de surveillance continue et des salles de surveillance post-interventionnelles sont transformées en réanimations.
La crainte d’un tsunami évoquée par certains scientifiques amènerait à envisager la réanimation au sein des salles interventionnelles.
Ainsi, au cœur du plan d’actions, la question des ressources est primordiale, notamment les « Ressources Humaines ».
La Coordination Générale des Soins (CGS) est au Cœur de la stratégie !
L’objectif est de disposer de professionnels compétents, en adéquation avec les besoins, dans une dynamique de changement.
Le changement ne se décrète pas, il s’anticipe, se prépare, s’accompagne.
Or, en période de crise sanitaire, le changement s’opère à marche forcée, dans des délais contraints.
La réussite d’une conduite doit intégrer deux leviers : technique et humain. La prise en compte de la dimension humaine est incontournable pour donner du sens et prendre en compte la dimension émotionnelle induite par la crise.
Les professionnels de santé démontrent leur engagement et leur solidarité mais ils s’interrogent, expriment leurs doutes, leurs angoisses. Ils savent que leur quotidien pour plusieurs semaines, voire plusieurs mois ne sera plus le même.
Comment accompagner les professionnels dans ce changement inéluctable ?
Mme INTHAVONG – Coordinatrice Générale des Soins de l’AP-HM – définit, avec son équipe, la stratégie: « Concilier la qualité de la prise en charge des patients et la sécurité des personnels. »
Son équipe réalise alors un recrutement de grande ampleur : « rappeler les personnels partis en disponibilité, les retraités, contacter les instituts de formations, solliciter les étudiants… »
Afin d’optimiser le recrutement, une annonce est publiée dans les réseaux sociaux pour faire appel aux volontaires.
Selon les différentes phases de montée en puissance des réanimations, le besoin en personnels va devenir conséquent. Dans un premier temps, les professionnels des unités fermées viennent soutenir les réanimations. Une aide extérieure est nécessaire : des recrutements sont lancés.
Tout au long de cette période, la ligne de conduite de la CGS sera « d’avoir toujours un coup d’avance, ne pas se laisser submerger ! ». Si l’anticipation a été le nerf de la guerre, la question de la gestion des compétences a été également centrale.
Car l’enjeu est d’intégrer et d’accompagner ces personnels dans les services de réanimation, s’inscrivant dans le Projet managérial et le Projet de Soin.
En effet, il est indispensable que les agents soient formés, en réanimation, pour assurer une prise en charge optimale et sécure des soins aux patients.
Mme INTHAVONG contacte le Dr ROSTINI - Directeur pédagogique du Centre d’Enseignement des Soins d’Urgence (CESU) 13 et du Centre de Simulation SIMMAR.
Dès le mardi 17 mars 2020, premier jour du confinement, commençait la première session de formation,
Rapidement, les contenus pédagogiques ont été élaborés, en s’appuyant sur des protocoles de référence[2] adaptés aux différents profils et aux spécialités: personnel infirmier (IDE) avec ou sans ancienneté, IDE avec ou sans expérience de réanimation, IDE et IDE spécialisés (Infirmier(ère)s Anesthésistes, Infirmier(ère)s de Bloc opératoire), des étudiants IDE spécialisés (IBODE, Puéricultrices) et également un médecin.
La formation s’est déroulée sur 4 jours.
L’objectif pédagogique, consistait à développer un socle de compétences théoriques et pratiques, permettant une prise en charge sécurisée et optimale des patients COVID-19 hospitalisés en réa.
De plus, au sein des différentes réanimations, une formation complémentaire a été réalisée afin d’accompagner de manière spécifique chaque agent.
Afin de créer un climat de confiance, propice aux apprentissages, l’équipe pédagogique a été vigilante concernant l’accueil des nouveaux arrivants.
Cette bienveillance a permis de désamorcer des tensions latentes, ressenties dès l’arrivée des participants : elle leur a permis de « verbaliser » leurs craintes, concernant notamment le risque de contamination et leurs perspectives professionnelles après la formation.
Au-delà de ces craintes légitimes, la peur de sortir d’une « zone de confort », de « mal faire » et de s’adapter à un environnement hautement technique, générait de l’appréhension et du stress.
L’accompagnement bienveillant, a permis d’apporter de la sérénité dans les groupes, et un sentiment de sécurité sur leurs capacités à s’adapter dans le « monde de la réanimation. »
Ainsi cent trente soignants[3] ont suivi la formation.
Le CESU/Centre de simulation est actuellement en train d’analyser le bilan des différentes sessions de formation. Le retour des professionnels est très positif, ils ont apprécié la qualité de la formation, et la plus-value de l’accompagnement humain, avant de partir sur le terrain.
Ce fut une opportunité de développer et d’améliorer leurs pratiques professionnelles dans le domaine de la réanimation.
Enfin pour les formateurs, ce retour d’expérience a été enrichissant et pourra être transférable dans d’autres domaines pédagogiques.
Ainsi, la CGS et le CESU ont collaboré pour organiser une formation ciblée dont l’objectif était le développement des compétences tout en valorisant les professionnels dans un contexte inimaginable mais bien réel de crise sanitaire que nous avons dénommée « COVID-FORM ».
Rédacteurs :
Magali DELFINO – Formatrice IADE du CESU et du Centre de simulation SINMAR
Guillaume LUCAS – CS PDE hospitalo-universitaire - CGS
Anne-Marie MAS – CSS IADE - Experte en soins – CGS
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ANNEXES
[1] Une crise sanitaire est une menace pour l'état de santé d'une population. Deux caractéristiques permettent de décréter qu'il y a crise sanitaire : l'état d'urgence et le caractère inédit du risque à l'origine de cette crise. C'est l'État concerné qui décrète l'état de crise sanitaire
[2] Référentiel de compétences de l’infirmière de réanimation élaboré par la Société de réanimation de langue française, le Collège des réanimateurs extra-universitaires français, le Groupe francophone de réanimation et urgences pédiatriques et la Société française d’anesthésie et de réanimation – 2011 – Les Directives ILCOR 2015 – Les Recommandations d’experts portant sur la prise en charge en réanimation des patients en période d’épidémie à SARS-CoV2 version 2 du 10/03/2020 – SRLF – SFAR – SFMU – GFRUP – SPILF mise en œuvre avec la mission COREB nationale.
[3] Répartition des formés par grade, par site : confère « annexe »