Thérapie Génique dans l’Hémophilie
L’hémophilie est une maladie génétique rare des garçons. Dans les formes sévères, un facteur de coagulation normalement fabriqué par le foie est totalement absent : Facteur VIII (FVIII) dans l’hémophilie A (HA), Facteur IX (FIX) dans l’hémophilie B (HB). Ce déficit entraine des saignements dont certains, comme les hémorragies intracrâniennes, engagent le pronostic vital.
Quel est l’impact de la maladie pour un patient hémophile ?
Dans tous les cas l’hémophilie sévère expose à des saignements articulaires spontanés et répétés. Dans l’histoire naturelle de la maladie, la répétition de ces saignements appelés hémarthroses détruit les articulations atteintes, ce qui entraine un handicap précoce.
Des traitements contraignants
Depuis les années 90, après le drame du sang contaminé, le recours à des concentrés de FVIII ou de FIX devenus efficaces et sûrs a transformé l’histoire naturelle de la maladie. Jusqu’à maintenant seule la prophylaxie, basée sur des injections intraveineuses répétées, dès la petite enfance, pouvait prévenir l’évolution vers l’arthropathie et le handicap. Mais la faisabilité de ce traitement reste critique chez les très jeunes enfants en raison des difficultés d’accès veineux. De plus, les contraintes qu’impose la prophylaxie pendant toute la vie peuvent altérer l’adhésion au traitement et donc, son efficacité.
L’innovation de la thérapie génique, un espoir ?
Depuis une trentaine d’années les chercheurs tentent de trouver un système de réparation du gène défaillant qui permette au patient de fabriquer le facteur de coagulation manquant avec ses propres cellules du foie. C’est ce qu’on appelle la thérapie génique. Au cours des dernières années, les résultats des essais cliniques dans ce domaine ont été de plus en plus encourageants.
L’équipe du Centre de Ressources et de Compétences dédié aux Maladies Hémorragiques Constitutionnelles (CRC-MH) au sein des Hôpitaux Universitaires de Marseille a participé en 2019 à un essai clinique de phase 3 dans l’hémophilie A.
Le Pr Hervé CHAMBOST, Responsable de ce Centre, Investigateur Principal, et Coordonnateur France de l’Etude de Thérapie Génique BioMarin 270-301 raconte :
« À la Timone, nous avons pu traiter 2 adultes jeunes qui recevaient 2 ou 3 injections intraveineuses hebdomadaires de FVIII depuis leur enfance. Quatorze mois après cette thérapie génique, qui s’est résumée pour les patients à une simple perfusion intraveineuse, on ne peut pas encore parler de guérison définitive mais on observe une rémission très prolongée de l’hémophilie. »
En effet, ces jeunes hommes vivent aujourd’hui normalement, sans aucun traitement. Ils n’ont plus reçu aucune injection de FVIII et n’ont pas eu le moindre saignement depuis leur thérapie génique, tout en menant une vie très active.
De leurs propres déclarations, la thérapie génique a transformé leur vie.
« C’est une belle réussite, très émouvante pour l’équipe soignante qui les a accompagnés depuis leur enfance. » poursuit le Pr Hervé CHAMBOST.
Un traitement disponible seulement en essai clinique et limité à certains patients
Il n’y a pas encore d’autorisation de thérapie génique pour l’hémophilie en dehors d’essais cliniques contraignants. Par ailleurs, les indications de thérapie génique sont encore restrictives. Seuls les patients âgés d’au moins 18 ans porteurs d’HA ou B sévère sont éligibles.
De plus, il faut savoir que dans les modèles de thérapie génique de l’hémophilie, le gène pénètre dans les cellules du foie grâce à un virus transporteur non pathogène appelé vecteur. Les virus adéno-associés (AAV) utilisés pour cela étant malheureusement très répandus dans l’environnement, beaucoup de personnes les ont déjà rencontrés. Chez ces personnes, l’immunité antivirale empêcherait le virus de jouer son rôle de transporteur et rendrait la thérapie génique inefficace.
« À titre d’exemple lorsque nous avons voulu identifier les candidats à la thérapie génique dans notre centre, sur 9 patients testés, 6 étaient immunisés et sur les 3 restant éligibles, 2 seulement ont pu recevoir le traitement. » précise le Pr CHAMBOST.
D’autres pistes pour le traitement de l’hémophilie
En attendant, que les chercheurs contournent ces obstacles, permettant ainsi à un plus grand nombre de patients d’accéder à la thérapie génique, certains d’entre eux peuvent déjà bénéficier d’autres innovations thérapeutiques. C’est le cas avec l’utilisation d’un anticorps monoclonal FVIII mimétique injectable par voie sous cutanée qui depuis quelques mois montre sa grande efficacité tout en améliorant le confort de traitement pour les enfants et les adultes qui vivent avec une hémophilie A sévère.
En cette période de crise sanitaire, ce retour d’expérience rappelle que les progrès scientifiques et médicaux continuent malgré la pandémie de COVID-19. Il est très important que les patients qui vivent avec une maladie chronique gardent le contact avec leurs soignants, notamment pour bénéficier des innovations et pour éviter les pertes de chance.
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Les intervenants dans la mise en œuvre de la thérapie génique dans le traitement de l’hémophilie au sein des Hôpitaux Universitaires de Marseille.
CRC APHM (centre de ressources et de compétences) Service d’Hématologie Immunologie Oncologie Pédiatrique du Pr G MICHEL Timone Enfants
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