Ici et maintenant : à bonne distance du trauma
« Nous sommes amenés à rencontrer des personnes qui sont parfois au plus mal. Qui ont vécu et vivent encore des choses très douloureuses. Mais avec une prise en charge adéquate, nous les voyons aller mieux, trouver la force pour repartir et sourire à nouveau. »
Douze années à exercer en tant que psychologue à la Cellule d’Urgence Médico-Psychologique, cela en fait des drames, des catastrophes, des personnes aidées, hommes, femmes et enfants. Valérie GUYON garde en mémoire chaque intervention : le crash des Comores lors de son premier jour de stage au SAMU, le naufrage du Costa Concordia, les inondations dans le Var en 2010, le crash de la German Wings, les attentats de Nice, l’ouragan Irma, l’effondrement de la rue d’Aubagne ou encore les intempéries de la vallée de la Vésubie ...
Le chaos, la détresse restent inévitablement gravés mais ce dont Valérie GUYON se souvient également avec beaucoup de précision, c’est le déroulement des opérations : la mise en place du dispositif d’aide aux victimes et à leurs proches, l’organisation, la collaboration avec les forces de l’ordre, les pompiers, le SAMU, la police judiciaire, la préfecture et bien sûr les volontaires de la CUMP.
« C’est un apprentissage. Chaque expérience doit être l’occasion pour nous d’améliorer notre réactivité, nos capacités d’adaptation et d’ajustement, notre cohésion. »
Douze années à exercer en tant que psychologue, mais aussi à se former et à former les volontaires au psychotrauma et à la prise en charge immédiate des victimes. Valérie GUYON s’est en effet initiée à des techniques spécifiques telles que les thérapies cognitives et comportementales, l’hypnose et l’EMDR, pouvant être particulièrement utiles dans la prise en charge du psychotrauma. Dès ses études, ce domaine particulier de la psychologie la passionne et elle écrit deux mémoires sur des problématiques qui s’y rapportent : le deuil périnatal après l’Interruption Médicale de Grossesse et le stress post-traumatique chez les marins pompiers.
« Il faut dire qu’avec un père médecin réanimateur et une mère cadre supérieure en chirurgie, j’ai été familiarisée dès mon enfance au milieu hospitalier, on peut dire que j’ai baigné dedans ! »
La volonté de venir en aide, le souci de l’autre sont manifestement des qualités et des valeurs qui, très tôt, lui ont été transmises et qu’elle s’est approprié. Lorsque Valérie GUYON intervient sur les lieux d’une catastrophe, qu’elle coordonne l’accueil parfois de plusieurs centaines de personnes, ce qui l’anime c’est de proposer rapidement aux victimes un espace d’échanges sécurisants qui atténue la sidération :
« Souvent les personnes sont encore en état de choc. Encore coincées dans le drame qu’elles viennent de vivre. Nous essayons de les ramener dans le monde des vivants, dans l’ici et maintenant. »
La pandémie de COVID 19 constitue un nouveau défi pour l’équipe de la CUMP avec une crise qui, installée dans la durée, est source d’usure et d’épuisement psychique. Les actions mises en œuvre (numéro dédié en mars 2020 puis maraudes au sein des services) ont été principalement tournées vers les familles endeuillées et les soignants.
« Nous avons également créé une veille téléphonique pour les patients qui sortent de réanimation. L’idée est de les rappeler à plusieurs reprises pendant 3 mois. Céline N’GUYEN, infirmière à la CUMP, est à l’initiative de ce dispositif que nous avons mis en place avec le Dr Guillaume FOND, psychiatre. Plus d’une centaine de patients ont déjà été contactés. Cela permet d’évaluer lesquels peuvent avoir besoin d’un accompagnement plus important. »
Si Valérie GUYON utilise quasiment toujours le pronom « nous » pour parler des activités de la CUMP, c’est que l’équipe est extrêmement soudée. Les missions atypiques, hors normes même, qu’elle est amenée à accomplir, font naître des liens humains très rares en milieu professionnel.
« Nous avons à Marseille des volontaires exceptionnels ayant tous une expérience spécifique, très précieuse sur le terrain. Sans eux notre champ d’action serait considérablement restreint. C’est vraiment ce qui fait notre force. La cohésion d’équipe, les volontaires.»