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Un accord parfait face à l’urgence

Publié le :
28/09/2021 à 11:46

 
- On s’est bien trouvées.
- C’est vrai on fonctionne en complémentarité. Nos expériences, nos compétences respectives se complètent à merveille.
- Et puis on s’entend bien…
- Oui notre première intervention commune c’était à Nice, après l’attentat. C’était vraiment un contexte très difficile, à tous points de vue.
- Mais on a tout de suite compris à quel point notre binôme fonctionnait bien. C’est une rencontre professionnelle qui était aussi, humainement, un vrai coup de cœur.

Dominique LEMOINE (Domi) et Céline NGUYEN sont toutes deux infirmières à la Cellule d’Urgence Médico-Psychologique. Au fil des interventions, elles sont devenues des coéquipières soudées, complices et surtout extrêmement efficaces. C’est un duo capable de s’adapter à toutes les situations, de se confronter à toutes les problématiques en déployant des trésors d’inventivité et d’humanité. C’est un duo qui sonne juste : 
 
- On se met là où c’est possible. On a simplement besoin de chaises, d’une table… et voilà ! 
- Etre réactif, c’est être créatif !
 
Avant de rejoindre la CUMP, Domi a travaillé 28 ans en réanimation-déchocage à l’Hôpital Nord, en tant que major de soins. Il y a chez elle une dignité, une assurance qui transparaissent d’emblée. Une élégante sobriété portée par un esprit aiguisé, un tempérament analytique, mais aussi profondément empathique.
Céline est en poste à la CUMP depuis fin 2017. Avant cette date elle a été infirmière en service de psychiatrie pendant une vingtaine d’années et volontaire CUMP pendant plus de 10 ans. Elle fait également partie de l’équipe des Urgences Psychiatriques. Avenante, expansive, elle sait aussi se mettre à l’écoute et a un souci de l’autre peu commun. Elle aime travailler en réseau et fourmille sans cesse d’idées. C’est elle qui a notamment imaginé la malette d’intervention dédiées aux enfants.    
 
- Les CUMP ont été créés suite aux attentats de Paris en 1995. Au Val de Grâce, Jacques Chirac  s’est alors posé la question de la prise en charge des blessures psychiques. Soigner les plaies, hémorragies, impacts de balles c’était une évidence. Mais les « traumas psychiques » ?
- Lors d’une rencontre avec le réel de la mort, il y a plusieurs réactions possibles. Les plus adaptées ce sont les cris, les pleurs, la fuite… mais parfois, les personnes se « déconnectent ». 
- Elles perdent tous leurs repères, tout ce qu’elles croyaient acquis est balayé. Le trauma c’est une représentation très subjective d’une rencontre avec la mort. Notre rôle c’est d’abord d’organiser un espace pour remettre de la sécurité.
 
Redonner un cadre temporel à la catastrophe. Favoriser la verbalisation, être réceptacle des émotions vécues face à l’insoutenable. Voilà le rôle premier de Céline et Domi lors d’une intervention. Un rôle qu’elles prennent énormément à cœur en ayant pleinement conscience que cela peut frapper n’importe qui.

- Nous nous rendons là où les personnes se trouvent car elles n’ont pas encore l’énergie, les ressources pour venir jusqu’à nous.
- Oui et du coup, nous sommes amenées à faire l’interface avec beaucoup d’autres professionnels d’horizons différents : la préfecture, la police, le SAMU, la Croix Rouge, des associations également… c’est aussi ce qui fait la richesse de notre travail.
- Quand il y a des situations catastrophiques les gens déploient beaucoup d’humanité de solidarité. Je sors toujours grandie de ces missions. C’est sans doute pour ça que je ne me suis jamais sentie usée par l’horreur. Parce qu’il y a cette entraide, ces marques d’attention et de générosité que je trouve, à chaque fois, éblouissantes. 
 
Une autre préoccupation partagée par Domi et Céline ainsi que toute l’équipe de la CUMP, et qui remonte à bien avant la crise sanitaire : le soutien psychique des soignants. Domi, après avoir effectué un travail de recherche sur l’épuisement professionnel, participe entre 2012 et 2020 à la cellule d’écoute des personnels de l’AP-HM. En tant qu’infirmière ayant exercé en réanimation elle connaît parfaitement les besoins et y est très sensible. Avec Céline, elles ont mis en place une permanence au SAMU, où elles sont présentes deux matinées sur quatre par semaine. Au moment de l’interview, Domi est d’ailleurs sollicitée pour un débriefing avec un médecin junior, après une situation complexe de prise en charge d’un polytrauma.
 
- Le débriefing technique est bien sûr essentiel, mais souvent c’est par un débriefing psychologique que le soignant peut prendre le recul nécessaire. On revient avec lui sur la situation, on la déroule en repérant les différentes émotions qui ont pu surgir.
- L’idée est que ce vécu soit intégré comme une expérience, devienne une source d’apprentissage et de progression plutôt qu’un blocage. 
 
La crise sanitaire a naturellement rendu ce besoin d’accompagnement psychologique encore plus prégnant. Domi a d’ailleurs réalisé, en collaboration avec sa consœur Mélanie GUAGENTI (IPA mention psychiatrie à Bastia), un article sur la prise en charge des soignants par les membres de la CUMP durant la crise COVID. Un article sera prochainement publié dans la revue infirmière « Soins », analysant l’impact des vagues successives sur l’état mental des soignants.
 
- Ils ne s’écoutent pas suffisamment, passent leur temps à soigner les autres mais ne se soignent pas eux-mêmes quand ils en ont besoin. 
- Ce qu’on aimerait, c’est amener des médecins et infirmiers à pouvoir repérer les signes d’un traumatisme.
- Nous pourrions former des sentinelles dans les services de soins somatiques, des soignants capables de détecter et d’orienter les personnes traumatisées.

Intervenir donc, mais aussi prévenir par la formation, la psychoéducation et la recherche. Toujours dans le contexte de crise sanitaire, la CUMP a lancé un travail d’évaluation du stress post-traumatique chez les personnes ayant été hospitalisées en réanimation pour une forme grave de COVID. L’équipe s’est pour cela inspirée du principe de veille téléphonique (découvrir le programme VigiLans dans lequel Céline est aussi impliquée) : les patients sont appelés par un professionnel de la CUMP une fois par mois pendant les 3 mois qui suivent leur séjour en réanimation.
 
- Ils sont touchés que l’Hôpital, avec un grand « H », se soucie encore d’eux-mêmes après leur retour à domicile. Ces programmes de veille sont sans doute une piste d’avenir pour la consultation post-trauma.
- Oui, encore une fois c’est le principe d’« aller vers » qui a pour nous une grande importance.
- Ce qu’on remarque chez ces patients ce sont surtout des états anxieux, et une grande fatigue.
- La psychoéducation c’est leur parler de la symptomatologie de ce qu’ils traversent. Mettre des mots, apporter un raisonnement logique pour les rassurer et surtout, leur apprendre à reconnaître quand le moment est venu de demander de l’aide.
 
On l’aura compris, Domi et Céline forment un binôme incroyablement engagé, efficient, attachant, à l’image de toute l’équipe de la CUMP qu’elles évoquent toujours avec un plaisir évident :
 
- C’est un collectif très soudé, qui ne fonctionne pas de manière pyramidale.
- On vit des choses tellement intenses, marquantes… il n’y a pas de problème d’ego ou de reconnaissance. Ça fonctionne parce que c’est Nous.