Prévention et interception du cancer bronchique : le RHU LUCA-pi
Les RHU (Recherche Hospitalo-Universitaire) sont des programmes de recherche de 5 ans financés par un consortium de partenaires académiques, industriels et par l’ANR (Agence Nationale de la Recherche). LUCA-pi a été retenu pour un financement de 10 millions d’Euros par l’ANR et a pour ambition de développer des biomarqueurs biologiques et des logiciels d’Intelligence Artificielle basés sur l’imagerie et l’analyse des tissus afin de révolutionner l’interception et la prévention des cancers du poumon.
Le cancer du poumon est le cancer qui tue le plus, il est responsable d’environ 33 000 décès par an en France. L’une des principales raisons de ce taux élevé de mortalité est que dans 85% des cas, le cancer a déjà atteint un stade avancé au moment du diagnostic. Lorsque le cancer est détecté tardivement, les chances de survie à 5 ans sont inférieures à 20%. En revanche, si le diagnostic est réalisé à un stade précoce les chances de guérison sont de l’ordre de 70%. Le dépistage des cancers du poumon par scanner faible dose est une révolution car il permet de repérer les cancers du poumon dès le début, alors qu’il n’y a encore aucun signe. De plus, si l’on adjoint la prévention au dépistage, notamment en luttant contre le tabagisme, on peut diminuer le nombre de nouveaux cancers et donc mécaniquement le risque de décès par cancer. Par exemple, en arrêtant de fumer avant 50 ans, on divise par 2 le risque d’avoir un cancer du poumon au cours de sa vie. Virtuellement, si toute la population arrêtait de fumer avant 40 ans, cela réglerait la moitié du problème.

Combattre le cancer du poumon implique donc de livrer bataille sur plusieurs fronts simultanément : la prévention et le dépistage mais aussi l’amélioration de la prise en charge des nodules suspects et la diminution des risques de récidive après un traitement chirurgical curatif. S’appuyant sur un socle solide de plusieurs études menées ces dernières années (entre autres : PREVALUNG avec l’Hôpital Marie Lannelongue et l’Institut Gustave Roussy, PREVALUNG Etoile à l’AP-HM et PREVALUNG Europe), le Professeur David BOULATE s’apprête à coordonner une Recherche Hospitalo-Universitaire de grande ampleur sur la prévention et l’interception du cancer bronchique (LUCA-pi).
L’appel à projets « Recherche Hospitalo-Universitaire en santé » est extrêmement exigeant, avec des objectifs de transferts vers la pratique médicale et de mise sur le marché de produits innovants capables de répondre à des problématiques encore non résolues. Les projets retenus mettent en œuvre des partenariats entre centres experts, milieux académique et industriel. Avec son consortium multidisciplinaire de cliniciens et chercheurs accompagnés par l'une des start-up les plus avancées de France dans le développement de l’Intelligence Artificielle au service du soin, le projet LUCA-pi est en parfaite adéquation avec ces exigences.
Les problématiques du dépistage et des nodules pulmonaires :
Le scanner basse dose est l’outil de référence pour le dépistage des cancers du poumon à un stade précoce. Cependant, le dépistage demeure perfectible et amène de nouvelles problématiques. Si des critères d’éligibilité sont assez consensuels, basés sur l’âge et la consommation de tabac, certaines populations à risque de développer un cancer du poumon mais n’atteignant pas ces critères reconnus pourraient ne pas bénéficier du dépistage. L’élaboration d’un test sanguin permettrait de mieux identifier les personnes à risque. En outre, le développement des scanners pulmonaires entraine la découverte de plus en plus de nodules pulmonaires qui peuvent être soit totalement bénins (ce qui est le plus souvent le cas), soit malins. Actuellement, pour déterminer le caractère bénin ou malin d’un nodule, il est nécessaire de répéter des examens, souvent coûteux, comportant pour certains des risques et pouvant générer de l’anxiété pendant plusieurs semaines ou mois. Il est donc pertinent de développer des outils d’aide à la décision pour classer les nodules bénins ou malins plus rapidement et avec plus de certitude dès la première identification du nodule sur un scanner. Ce type d’outils permettra de gagner en efficacité diagnostique et thérapeutique, de réduire les coûts et d’améliorer la qualité de vie des patients avec un nodule pulmonaire.
Cibler les personnes à risque éligibles au dépistage avec une prise de sang :
Actuellement, les sujets à risque sont essentiellement identifiés à l’aide de critères épidémiologiques (âge, tabagisme, antécédents de maladies induites par une consommation prolongée de tabac par exemple). Ces critères s’avèrent à la fois trop imprécis et restrictifs. Pour mieux repérer les personnes les plus à risque de développer un cancer du poumon et devant prioritairement effectuer des scanners de dépistage, l’équipe de recherche entend valider un panel de biomarqueurs biologiques propres à cette pathologie. Ces biomarqueurs associés au risque de développer un cancer du poumon composent une signature, un profil biologique pouvant être repéré et évalué à l’aide d’un simple prélèvement sanguin, à l’image du taux de cholestérol ou de l’hypertension pour les maladies cardiovasculaires. Grâce aux précédentes études, l’équipe est déjà très avancée dans leur identification. Il s’agira également d’identifier des anticorps présents à une phase très précoce des cancers pour savoir s’il est ou non pertinent de réséquer des micro-nodules afin de prévenir leur développement.
« Le développement de nouveaux biomarqueurs associé au dépistage des cancers du poumon par scanner peux aboutir à l’exérèse de cancers du poumon très précoces, c’est-à-dire de quelques millimètres de diamètre, ce qui serait une vraie révolution » (Pr David BOULATE)
Distinguer les nodules bénins et malins à l’aide de l’Intelligence Artificielle :
C’est l’un des principaux enjeux du RHU : le développement d’algorithmes d’Intelligence Artificielle capables d’interpréter les scanners et de caractériser les nodules. Eviter les faux positifs et surtout les faux négatifs, ne plus perdre de temps en termes de diagnostic et de prise en charge, cela à moindre coût. Pour ce travail, les équipes s’appuient sur une approche radiomique assistée par Intelligence Artificielle. C’est le cœur même des compétences de la start-up TheraPanacea, très en avance sur l’optimisation et la personnalisation des parcours de soins oncologiques à l’aide de logiciels d’interprétation des données en imagerie. Pour entraîner l’Intelligence Artificielle et rendre ses interprétations parfaitement fiables, TheraPanacea disposera de plus de 10 années de données grâce au registre Epithor, déjà utilisé à l’Hôpital Nord par l’équipe de Chirurgie thoracique du Pr D’JOURNO dont le Pr BOULATE fait partie, et grâce aux études de dépistage PREVALUNG et PREVALUNG ETOILE.
« Les outils de diagnostic des nodules visibles au scanner et la possibilité d’y intégrer un profil biologique des patients nous font évoluer vers un accès à une sorte de biopsie numérique des nodules à partir d’un simple scanner. Les algorithmes seront entrainés avec plusieurs milliers d’images de nodules bénins ou malins et seront capables de classer de nouveaux nodules avec plus de précision que ce que nous faisons aujourd'hui. Il s’agit d’outils d’aide à la décision très importants et attendus dans la pratique clinique actuelle ». (Pr David BOULATE)
Prédire les risques de récidive dès la chirurgie :
Bien que la chirurgie des cancers du poumon soit en mesure de traiter les cancers les plus précoces avec un objectif de guérison, 20 à 30% des patients sont susceptibles de développer une récidive du cancer 2 ou 3 ans après leur intervention chirurgicale. C’est la raison pour laquelle des traitements préventifs de chimiothérapie après la chirurgie sont proposés aux patients avec des cancers de stade II, c’est-à-dire d’un diamètre de plus de 4 cm ou avec une atteinte d’un ganglion dans le poumon. Prédire avec exactitude les risques de récidive permettrait de déterminer, pour chaque patient, si ces traitements sont indiqués ou non. Là encore, si elle dispose de données pertinentes et suffisantes, l’Intelligence Artificielle peut être mise à contribution pour affiner les pronostics et la surveillance des patients. La numérisation des lames d’anatomopathologie à l’aide d’un scanner spécialement acquis pour le projet fournira à ce titre un précieux matériel pour le développement d’algorithmes d’Intelligence Artificielle de prédiction des risques de récidive. Les traitements de chimiothérapie ayant une toxicité et un coût élevés, disposer d’outils pour mieux identifier les patients les plus susceptibles d’en bénéficier constituerait une avancée significative. Ne les administrer que lorsque cela est réellement pertinent participerait de la dynamique actuelle de désescalade thérapeutique associée à une médecine toujours plus individualisée (cf. notre article : Cancer du poumon et immunothérapie : vers une désescalade thérapeutique).
« Nous proposons de construire des modèles d’aide à la décision et de stratification des risques avec une approche globale et multidisciplinaire particulièrement ambitieuse. C’est un travail qui va assurément contribuer à améliorer le diagnostic, la prise en charge et les pronostics, tout en ayant une portée médico-économique certaine. » (Pr David BOULATE)
Les institutions, laboratoires et industriels partenaires :
- Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille (AP-HM)
- TheraPanacea (TPC) – Nikos PARAGIOS
- Institut Gustave Roussy (GR) – Pr Guido KROEMER
- Centre d’Immunologie de Marseille Luminy (CIML) – INSERM / Aix-Marseille Université – Integrative B cell immunology – Pierre MILPIED
- Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (INRIA) - Centre de Recherche en Cancérologie de Marseille (CRCM) - Laboratoire COMPO (COMPutational pharmacology and clinical Oncology) – Sebastien BENZEKRY
Les services de l’AP-HM impliqués :
- Chirurgie thoracique et maladies de l’œsophage (Pr Xavier-Benoit D’JOURNO, Hôpital Nord)
- Fédération de pneumologie (Pr GREILLIER, Hôpital Nord)
- Pôle de radiologie (Pr Alexis JACQUIER, Hôpital de la Timone ; Dr Paul HABERT, Hôpital Nord)
- Anatomie et Cytologie pathologiques (Pr Laurent DANIEL, Dr Jean-Philippe DALES, Dr Sophie GIUSIANO)
- Direction de la Recherche Santé (Pr Pascal AUQUIER, Emilie GARRIDO-PRADALIE)
- Service de Santé Publique (Pr Pascal AUQUIER, Sandrine LOUBIERE)
- Centre d’Investigation Clinique (Pr Thomas CUNY)