Otite moyenne aiguë
L’otite moyenne aiguë (OMA) est définie par l’existence d’un épanchement infecté au sein des cavités de l’oreille moyenne.
Notions épidémiologiques
Elle est l'une des infections communautaires les plus fréquentes et un important motif de consultation (8 à 13 % des consultations pédiatriques). La précision du diagnostic d’OMA permet d’éviter l’inflation thérapeutique. Seule l’OMA authentifiée doit être traitée par une antibiothérapie adaptée à la microbiologie qui évolue rapidement, du fait de la modification des résistances bactériennes observées.
Facteurs favorisants et facteurs de risque
- Les végétations adénoïdes sont considérées comme la première cause et le principal facteur de risque de l’OMA par le biais de leur volume et par celui de l’infection dont elles sont le siège.
- Le dysfonctionnement tubaire est également invoqué chez l’enfant présentant une malformation cranio-faciale, une division vélopalatine ou vélaire, même dans leur forme sous-muqueuse, voire une luette bifide, une trisomie 21.
- Les dyskinésies ciliaires congénitales (syndrome de Kartagener par exemple) constituent des facteurs de risque importants, ainsi que les déficits immunitaires acquis ou congénitaux.
- D’autres facteurs de risque ont été aussi invoqués comme le mode de garde en crèche et toute vie précoce en collectivité dans un habitat urbain, la précarité des conditions de vie et d’hygiène (pollution et tabagisme passif, promiscuité, humidité, carence de soins, …), l’allergie, la carence martiale, la prématurité, les saisons automne/hiver (fréquence des infections virales et bactériennes des voies aériennes supérieures), la précocité du premier épisode d’OMA est associée à la précocité du premier épisode d'infection des voies respiratoires supérieures.
Diagnostic
L’OMA est une affection qui se caractérise par un grand polymorphisme clinique. L’otalgie et la fièvre étant loin d’être constantes, l’examen otoscopique doit être systématique lors de toute consultation de nourrisson. Le diagnostic repose aussi sur la recherche de corrélations bactériocliniques.
Les signes d’appel s’inscrivent au cours ou au décours d’une infection des voies aériennes supérieures, habituellement une rhinopharyngite.
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Chez l’enfant, le diagnostic est évoqué devant :
- une otalgie vive ou lancinante, pulsatile, à prédominance nocturne et cause d’insomnies,
- une fièvre de degré variable,
- une hypoacousie, quand l’enfant peut l’exprimer,
- des signes digestifs beaucoup plus rares que chez le nourrisson.
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Chez le nouveau-né et le nourrisson de moins de 3 mois, la fréquence des OMA est probablement sous-évaluée du fait de la pauvreté des signes d’appel et de la difficulté diagnostique otoscopique à cet âge. Les signes d’appel sont peu spécifiques :
- aussi bien digestifs que respiratoires,
- des troubles du comportement à type de torpeur et/ou d’irritabilité, une modification du sommeil,
- parfois, il s’agit d’un état infectieux sévère avec un tableau bruyant, marqué par des troubles thermiques et une altération profonde de l’état général.
- Quelque soit l’âge, le diagnostic d’une OMA peut se faire à l’occasion de complications qui surviennent au décours d’une OMA négligée ou traitée de façon inadéquate.
L’otoscopie reconnaît classiquement trois grands aspects inflammatoires.
- L’OMA congestive est caractérisée par un tympan initialement rosé avec une dilatation des vaisseaux du manche du marteau et de la membrane tympanique adjacente.
- L’OMA collectée présente successivement deux aspects ; le tympan est d’abord infiltré, rouge lie de vin, avec difficulté de vision des reliefs ossiculaires et disparition du triangle lumineux ; le deuxième aspect est celui d’un tympan bombé, ombiliqué sur la spatule du manche du marteau.
- L’OMA perforée se traduit par l’apparition d’une otorrhée mucopurulente témoignant de la rupture du tympan. Cette perforation peut être punctiforme et siéger au sommet d’une déformation en «pis de vache» du tympan, mais elle peut être aussi linéaire, irrégulière, siégeant dans le quadrant postéro-supérieur.
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Particularités évolutives
Otite récidivante
Cette notion est définie au-delà de 4 épisodes par hiver. Parler d’otite récidivante présuppose un retour à la normale du tympan entre chaque épisode aigu et la recherche de facteurs favorisants et de risque avec une tentative de leur correction.
Otite traînante
Elle se définit comme la prolongation d’un même épisode otitique au-delà de 3 semaines malgré un ou plusieurs traitements antibiotiques à priori adaptés. Il n’y a donc jamais de retour du tympan à la normale aux différentes consultations. Ce type d’otites montre les limites de l’antibiothérapie probabiliste. L’identification du germe responsable devient primordiale.
Complications
Depuis l’utilisation des antibiotiques, le taux des complications des OMA s’est réduit. L’introduction de la vaccination anti-haemophilus a également permis de réduire considérablement les méningites otogènes du nourrisson. Le pneumocoque reste le principal pourvoyeur des complications des OMA.
Par ordre de fréquence, on retrouve :
Paralysie faciale
Elle peut survenir aussi bien lors d’une OMA simple que lors d’une mastoïdite subaiguë ou aiguë. Cliniquement, la paralysie s’installe brutalement, de façon complète. Son pronostic est excellent et est directement corrélé à l’évolution de l’otite. Il est impératif comme lors de toute complication d’effectuer une paracentèse pour examen bactériologique.
Méningite
Elle concerne surtout les nourrissons de moins d’un an, et le pneumocoque est le premier pathogène responsable.
Mastoïdite
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La forme subaiguë est, actuellement la plus fréquente :
- les signes généraux sont variables, la fièvre est inconstante,
- le tympan est très épaissi, infiltré, avec très fréquemment un bombement postéro-supérieur,
- les germes en cause sont les mêmes que lors des OMA mais avec une répartition différente (forte prévalence du pneumocoque et du Pseudomonas Aeruginosa),
- la TDM doit être pratiqué afin de ne pas méconnaître des complications intracrâniennes latentes.
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La forme aiguë représente une complication redoutable :
- l’extériorisation de l’infection correspond à une fistulisation de l’os mastoïdien (le plus souvent rétro-auriculaire comblant le sillon et refoulant le pavillon vers l’avant),
- le tympan est très évocateur avec un aspect en "en pis de vache". L’incidence des complications ménigo-encéphaliques dans cette forme (10%) motive facilement le recours à la TDM,
- le traitement médical peut suffire lorsqu’il n’y a pas de collection sous-périostée, mais une simple rougeur cutanée (périostite),
- une mastoïdectomie est effectuée dans les autres cas.
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Les autres complications intracrâniennes (abcès, thrombophlébite…) sont devenues exceptionnelles.
Traitement
L’OMA est habituellement d’origine bactérienne, au moins aux stades de collection et de perforation spontanée.
Les traitements médicaux
- L’antibiothérapie de principe de toutes les OMA, surtout chez l’enfant de moins de 2 ans, est admise dans la plupart des pays industrialisés. L’objectif du traitement est d’obtenir la guérison en évitant les complications mastoïdiennes et méningo-encéphaliques.
- Le choix de l'antibiothérapie probabiliste, tel que proposé dans les recommandations 2011, toujours en vigueur, des SPILF-SFP-SPIP, repose d'une part sur l'évolution de résistances bactériennes (penumocoques et hémophilus) et d'autre part sur l'émergence des souches d'entérobactéries résistantes induites par les céphalosporines. Les recommandations sont les suivantes :
Il est recommandé de prescrire un antibiotique en cas d'otite moyenne aiguë purulente dans les cas suivants :
- enfant de moins de 2 ans ;
- enfant de plus de 2 ans : d'emblée si fièvre élevée, otalgie intense, difficulté de compréhension des consignes, ou après réévaluation à 48-72 heures en cas de syptômes peu bruyants.
L'amoxicilline est recommandée en première intention à la dose de 80-90 mg/kg/j pendant 8-10 jours chez l'enfant < 2 ans ou 5 jours chez l'enfant > 2 ans. En cas d'échec, il est recommandé de passer à Amoxicilline-Acide clavulanique (mêmes doses). En cas d'allergie, les recommandations proposent cotrimoxazole ou érythromycine-sulfafurazole. L'échec conduit à une paracentèse.
Les traitements chirurgicaux
L’adénoïdectomie a une efficacité qui est liée tant au volume des végétations adénoïdes, qu’à la suppression du réservoir bactérien qu’elles constituent. En cas d’échec de toutes ces mesures (plus de 4 à 5 épisodes d’OMA par an), la mise en place d’un aérateur transtympanique doit être proposée.
Le traitement préventif des otites récidivantes
Il justifie la prise en compte des facteurs favorisants et de risque :
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des mesures d’hygiène avec en premier lieu le lavage des fosses nasales au sérum physiologique et l'emploi du mouche bébé en attendant l’apprentissage d’un mouchage efficace, et la prise de conscience des parents d’un tabagisme passif;
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le retrait de la crèche, s’il est possible, est souvent bénéfique;
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la supplémentation en fer doit être envisagée, si l’hémoglobine est inférieure à 12g et si la ferritine est inférieure à 40 mg/ml;
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la vaccination anti-Haemopilus permet de diminuer l’incidence de l’OMA au cours des épidémies hivernales.