Diagnostic et prise en charge de l’hyperplasie des cellules neuroendocrines du nourrisson

L’hyperplasie des cellules neuroendocrines du nourrisson (NEHI, Neuroendocrine Hyperplasia of Infancy) est une pneumopathie interstitielle* rare non létale, liée à la persistance anormale de ces cellules fœtales, et caractérisée par une augmentation de la fréquence respiratoire (tachypnée) sans insuffisance respiratoire (lien orphanet). A peine 400 cas sont rapportés dans la littérature. 

A l’origine, son diagnostic reposait sur la biopsie pulmonaire avec mise en évidence de ces cellules secrétrices de bombésine ; cependant en pratique l’approche clinique et radiologique est maintenant de plus en plus utilisée. Le clinicien se base sur l’objectivation d’une tachypnée apparue avant 2 ans, la présence d’opacités en verre dépoli centrales atteignant au minimum le lobe moyen et la lingula sur le scanner thoracique, dans les cas difficiles une biopsie « positive »**, et l’exclusion d’une autre cause de maladie pulmonaire interstitielle. En 2020, le score clinique de Liptzin a été proposé pour aider au diagnostic de NEHI lors de la présence d’au moins 7 des 10 symptômes composant ce score.

Ainsi le diagnostic formel de NEHI n’est pas facile, or celui-ci est important pour éviter le recours aux corticoïdes systémiques en bolus, traitements usuels des autres pneumopathies interstitielles. 

L’étude FRENCHI, portée par le Pr Jean-Christophe DUBUS (Centre des maladies respiratoires rares -RespiRare- de l’enfant à Marseille), décrit la cohorte française d’enfants présentant un NEHI (diagnostic prouvé par biopsie) ou un syndrome NEHI (diagnostic clinico-radiologique). En 20 ans, 54 patients ont été enregistrés dans la base de données des centres maladies respiratoires rares RespiRare de l’enfant (lien publi PubMed). Les résultats viennent d’être publiés sous forme de 2 articles dans la revue internationale Eur J Pediatr.  

 

Le premier article rapporte les résultats de l’analyse pour le diagnostic et la prise en charge initiale, réalisée à partir d’un questionnaire rempli par les centres pour chaque patient.  

-> L’âge moyen d’apparition des symptômes était de 3,8 ± 2,6 mois, avec un délai diagnostique de plusieurs mois. La fréquence des 10 symptômes a été relevée, celle de la tachypnée étant de facto de 100% (voir Graphe). Le score clinique moyen était de 7.9 ± 1.4, avec 25% des patients ayant un score inférieur à 7.  
-> Tous les scanners thoraciques montraient la présence d’opacités pulmonaires localisées en verre dépoli.
-> La biopsie pulmonaire était réalisée pour 39% des patients, mais n'était en fait typique du NEHI que dans 52% des cas, alors même que la présentation clinique était typique. 
-> Les traitements initiaux incluaient le support nutritionnel (52%) et une oxygénothérapie (83%). Des stéroïdes avaient aussi été prescrits pour la majorité des patients (83%), ainsi que l’azithmocycine (70%) ; cependant leur intérêt est méconnu. 
    -> Les auteurs plaident pour un score composite clinico-radiologique qui permettrait un diagnostic plus précoce du NEHI.  

French national cohort of neuroendocrine cell hyperplasia of infancy (FRENCHI) study: diagnosis and initial management par Fabre C, Thumerelle C, Dervaux M, Abou-Taam R, Bihouee T, Brouard J, Clement A, Delacourt C, Delestrain C, Epaud R, Ghdifan S, Hadchouel A, Houdouin V, Labouret G, Perisson C, Reix P, Renoux MC, Troussier F, Weiss L, Mazenq J, Nathan N, Dubus JC.  Eur J Pediatr. 2022 Aug;181(8):3067-3073. doi: 10.1007/s00431-022-04510-y. Epub 2022 Jun 9. PMID: 35678871. Lien PubMed

 

Le pronostic de cette maladie considéré comme généralement bon se basait auparavant sur très peu d’études, réalisées sur des populations hétérogènes. Ce deuxième article de l’étude FRENCHI rapporte les résultats de l’évolution à long terme de cette cohorte de 54 patients. Ceci a été réalisé à l’aide d’un deuxième questionnaire rempli par le pneumopédiatre du patient lors de sa dernière visite au centre.  
-> Le suivi moyen a été de 68 mois (5,5 ans environ) : ~30% des patients étaient alors considérés comme cliniquement guéris. Des améliorations étaient notées sur le plan radiologique (57% des patients chez qui ceci avait été contrôlé) ou fonctionnelle (41%). Cependant les auteurs rapportent aussi la persistance de symptômes respiratoires et/ou nutritionnels (72% des patients), d'un besoin d'oxygène (34%), et d’asthme (37 %). 
-> Il n’y avait pas d’effet évident à long terme du traitement avec des corticostéroïdes au moment du diagnostic, sur les symptômes respiratoires ou nutritionnels. Les enfants sous nutrition entérale avaient une durée de traitement par oxygène plus longue mais la même chance de guérison clinique et de sevrage en oxygène à la fin du suivi. 

Ainsi ces résultats confirment que le pronostic de cette maladie est globalement positif, mais révèlent des phénotypes évolutifs différents ; les prochaines études permettront de mieux définir les recommandations de prise en charge pour les différents patients. Ceci devrait être facilité par les recommandations données ici en matière de démarche diagnostique. 

 

  • Long-term evolution of neuroendocrine cell hyperplasia of infancy: the FRENCHI findings par Dervaux M, Thumerelle C, Fabre C, Abou-Taam R, Bihouee T, Brouard J, Clement A, Delacourt C, Delestrain C, Epaud R, Ghdifan S, Hadchouel A, Houdouin V, Labouret G, Perisson C, Reix P, Renoux MC, Troussier F, Weiss L, Mazenq J, Nathan N, Dubus JC. Eur J Pediatr. 2022 Nov 30. doi: 10.1007/s00431-022-04734-y. PMID: 36449078. Lien PubMed
 

* Maladie qui affecte les tissus de soutien du poumon, et provoquent une altération des échanges gazeux. 

** la biopsie typique étant des cellules neuroendocrines contenant un haut niveau de coloration à la bombésine (un neuropeptide) et de grandes zones normales du poumon. 

 

Graphe extrait de la Fig 1 de l’article de Fabre C et al. Eur J Pediatr. 2022. Dans cette cohorte des 54 patients de cette étude FRENCHI, fréquence de chacun des 10 items du score clinique de Liptzin pour l'hyperplasie des cellules neuroendocrines du nourrisson (NHEI) (Liptzin DR et al. Am Thorac Soc 2020)
 

 

 

 

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