Interview de Marcia Henry, Chargée de Parcours génomique au sein de la plateforme d’expertise maladies rares

Il existe près de 7.000 maladies rares (le seuil a été fixé à moins d’une personne malade sur 2000),  soit près de 3 millions de patients en France et 300 millions dans le monde. Au sein de l’AP-HM, l’activité maladies rares est riche : 87 centres sont présents dans les services et prennent en charge plus de 50.000 patients par an. Tous les mardis, la plateforme d’expertise maladies rares de l’AP-HM partage avec vous les actions réalisées autour des maladies rares à l’AP-HM: publications scientifiques, participations à une étude, présentations de centres ou d’événements, paroles de patients ou de soignants, etc. Une façon de mettre en valeur et faire connaitre le travail remarquable des professionnels de santé pour accueillir et aider au mieux les patients et les familles touchés par les maladies rares. Suivez nous sur notre site internet ou notre page LinkedIn

 

Il est estimé qu’environ 80 % des maladies rares sont d’origine génétique. Cela signifie qu’elles sont dues à une ou plusieurs altérations dans un gène (on parle alors de maladie monogénique) ou plusieurs gènes (maladie polygénique). La plupart de ces maladies génétiques sont héréditaires, c’est-à-dire qu’elles sont transmises aux descendants via leurs ascendants. Cependant, certaines maladies rares génétiques ne sont pas héréditaires et peuvent par exemple être liées à un accident génétique lors de la conception de l’embryon.

 

La génétique occupe donc une place prépondérante dans la prise en charge des patients atteints d’une maladie rare. Chez certains patients, Il est parfois nécessaire d’étudier le génome entier afin d’identifier la ou les erreur(s) génétique(s) responsable(s) de la maladie et de mieux les prendre en charge. En France, deux plateformes, SEQOAI et AURAGEN, proposent une offre de séquençage à très haut débit pour les patients touchés par une maladie rare. Sous certaines conditions, les services hospitaliers peuvent les réquisitionner afin de séquencer les génomes de leurs patients.

 

Des personnels hospitaliers spécialisés, les chargés de parcours génomique ont pour rôle d’aider les médecins à coordonner le circuit menant au séquençage du génome entier chez les patients éligibles. Marcia HENRY, qui occupe ce poste depuis plus de 2 ans au sein de la plateforme d’expertise maladies rares de l’AP-HM, a accepté de répondre à nos questions.

 

Marcia HENRY travaille comme chargée de parcours génomique au sein de la PEMR-APHM.

 

Bonjour Marcia, peux-tu nous décrire ton parcours avant d’occuper ton poste actuel ?

Bonjour, j’ai une formation de technicienne de laboratoire. J’ai travaillé pendant 12 ans à l’hôpital Necker à Paris en génétique moléculaire puis pendant 3 ans à l’Institut Curie en génétique somatique (c’est-à-dire non héréditaire). Dans cette dernière expérience, je me suis notamment occupée du prétraitement d’échantillons tumoraux envoyés sur la plateforme de séquençage à très haut débit SEQOAI qui traite les échantillons du Nord et de l’Ouest de la France. Mon expérience en génétique et mon envie d’interagir d’avantage avec les patients m’ont conduite à mon poste actuel au sein de la plateforme d’expertise maladies rares de l’AP-HM (PEMR APHM).

 

Quel est ton rôle en tant que chargée de parcours génomique au sein de la PEMR APHM ?

La PEMR APHM s’occupe de coordonner les activités des 87 centres maladies rares de l’AP-HM. Ma mission consiste spécifiquement à aider les médecins de ces centres à soumettre les dossiers des patients éligibles puis à orchestrer le circuit des échantillons vers la plateforme de séquençage à très haut débit AURAGEN (qui traite les échantillons du Sud et l’Est de la France). Je récupère également les résultats de séquençage que je transmets aux médecins. J’interviens donc sur toute la chaine qui débute par l’identification d’un patient éligible par le médecin jusqu’aux résultats de séquençage du génome entier. C’est un métier très intéressant où j’interagis à la fois avec le personnel médical (médecins, infirmières, etc.) et avec les patients.

 

Avec combien de centres travailles tu ? Et combien cela représente de dossiers par an en moyenne ?

J’ai démarré mon activité au sein de la PEMR-APHM il y a un peu plus de deux ans. Je me suis fait connaitre petit à petit par les centres et j’ai progressivement monté en charge. Aujourd’hui je travaille avec une trentaine de centres, ce qui représente une centaine de dossiers par an environ.

 

Quand les médecins te contactent-ils ?

Lors de leurs activités de consultation, les médecins peuvent identifier des patients susceptibles d’être éligibles pour un séquençage du génome entier. Il s’agit la plupart du temps de patients en impasse diagnostic et/ou en échec thérapeutique. Le médecin doit en premier lieu obtenir l’autorisation du patient avant de démarrer le circuit. Il a à sa disposition une plaquette explicative sur le séquençage du génome qu’il peut remettre à la famille.

Une fois cet accord obtenu, les médecins doivent impérativement présenter leurs dossiers en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP). Ces RCP réunissent un coordonnateur de la RCP, le médecin demandeur du séquençage (le prescripteur), un généticien formé sur la pathologie (choisit par la plateforme AURAGEN), des spécialistes si le dossier le nécessite (radiologue, cardiologue, etc.), et parfois (mais ce n’est pas obligatoire) le chargé de parcours génomique.

Les médecins me contactent en général quand ils ont identifié un patient et me sollicitent pour préparer le dossier de la RCP. Certains médecins sont plus autonomes et ne me sollicitent qu’une fois la RCP finalisée et le dossier accepté. J’aide également certains médecins qui démarrent cette activité à organiser une RCP locale pour présenter leurs dossiers.

 

Que dois-tu préparer pour la réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) ?

Les médecins me demandent très souvent de préparer un dossier pour la RCP. Cela peut être une présentation power point ou une fiche spécifique RCP. Pour se faire, je vais sur le site du plan France médecine génomique 2025 (PFMG 2025) et sur la page de la RCP qui récapitule tous les critères d’inclusion du patient. Je recherche sur AXIGATE (le dossier patient informatisé de l’AP-HM) toutes les informations et documents nécessaires (premiers signes de la maladie, symptômes, information sur les parentés, examens radiologiques, etc.). Je réalise également l’arbre généalogique du patient.

Au cours de la réunion, c’est le médecin demandeur qui présente le dossier.

 

Les dossiers sont-ils souvent rejetés lors de la RCP?

Il est rare que les dossiers soient rejetés, cela arrive uniquement dans les cas où le séquençage du génome entier n’a aucun intérêt clinique pour le patient ou ses apparentés. En revanche, il arrive que certains examens additionnels soient nécessaires avant de passer en génome. Cela est alors notifié dans le compte rendu de la RCP et le dossier peut être présenté au cours d’une nouvelle réunion avec les données supplémentaires.

 

Lorsque le dossier est accepté en RCP, quelles sont tes tâches ?

Une fois cette étape cruciale franchie, je prépare les prescriptions sur une plateforme en ligne appelée HYGEN. Il y a trois étapes à respecter :

1. Indiquer les informations du patient : médecin prescripteur, symptômes, apparentés, présentation de la RCP, etc.

Cette étape doit être validée par le médecin prescripteur

2. Désignation de la RCP

3. Validation par le Coordonnateur de la RCP

 

Une fois cela réalisé, je peux avoir accès aux documents suivants :

  • Ordonnance pour la prise de sang
  • Feuille de transfert pour la traçabilité
  • Consentements pour les patients

 

Comment le médecin parle-t-il du séquençage avec ses patients ?

Comme je l’ai expliqué plus tôt, le médecin prescripteur doit déjà avoir eu l’accord du patient avant de présenter son dossier en RCP. Le patient est donc déjà au courant de la démarche. Une fois le dossier accepté, le médecin lui explique à nouveau l’intérêt du séquençage du génome et les démarches qu’il doit réaliser. En général, le séquençage sera fait à la fois pour le patient et pour deux de ses apparentés.

Lors de la consultation, j’apporte tous les documents mais surtout les consentements que le patient et sa famille signent en présence du médecin. Je peux également donner des informations supplémentaires sur le circuit aux patients qui me le demandent.

 

Quand et comment se passent les prises de sang, le stockage et l’envoi des échantillons ?

Une fois que les patients ont signé leurs consentements, je les accompagne pour la prise de sang (1 tube de sang est prélevé par personne). Je vérifie la conformité des documents (consentements, feuille de transfert et ordonnance) et j’envoie le tout à AURAGEN. Je conserve cependant l’original des consentements dans mes dossiers.

Je dois respecter un délai de 7 jours entre le prélèvement et la livraison à la plateforme de séquençage.

Parfois, j’accompagne des familles se faire prélever pour la Plateforme SEQOIA. Dans ces cas-là c’est au CHU prescripteur de prévoir la course et de me transmettre tous les documents que je vérifie également avant envoi. Pour la Plateforme SEQOIA, le délai à respecter est de 5 jours entre le moment du prélèvement et celui de la réception.

 

Que se passe-t-il si le dossier est incomplet ou s’il contient des erreurs ?

Une fois les tubes de sang livrés, je reçois une notification d’AURAGEN m’indiquant la conformité (ou la non-conformité) des documents. En cas de non-conformité, je rectifie les erreurs pour que l’analyse du génome puisse démarrer.

 

Quel est le temps de traitement des dossiers en moyenne?

Le délai de traitement des échantillons est très variable. Cela va en effet de ¾ semaines à 2 années et dépend de plusieurs critères, notamment de la préindication et de la disponibilité des généticiens interprétateurs. Dans certains cas, par exemple lorsqu’une patiente est enceinte ou qu’un patient est à risque de décès imminent, l’analyse est mise en « fast-genome », ce qui signifie qu’elle sera traitée en priorité.

 

Comment les médecins reçoivent-ils les résultats et que se passe-t-il ensuite pour les patients ?

Lorsque le séquençage est réalisé et interprété, je reçois un mail et je notifie le médecin prescripteur. Je mets également le compte rendu sur Axigate pour qu’il soit accessible pour tous les personnels médicaux. C’est ici que mon rôle s’arrête !

Le médecin va de son côté prendre RDV avec le patient pour réaliser la suite de sa prise en charge. En fonction des résultats du génome, il est possible que le traitement soit modifié ou qu’un conseil génétique soit mis en place.

 

Merci beaucoup Marcia pour ton travail et pour l’aide précieuse que tu apportes aux centres Maladies rares de l’AP-HM !

 

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