Rencontre avec Émilie CONSOLINO, conseillère en génétique dans le service de génétique de l’AP-HM

Il existe près de 7.000 maladies rares (le seuil a été fixé à moins d’une personne malade sur 2000), soit près de 3 millions de patients en France et 300 millions dans le monde. Au sein de l’AP-HM, l’activité maladies rares est riche : 87 centres sont présents dans les services et prennent en charge plus de 50.000 patients par an. Tous les mardis, la plateforme d’expertise maladies rares de l’AP-HM partage avec vous les actions réalisées autour des maladies rares à l’AP-HM: publications scientifiques, participations à une étude, présentations de centres ou d’événements, paroles de patients ou de soignants, etc. Une façon de mettre en valeur et de faire connaître le travail remarquable des professionnels de santé pour accueillir et aider au mieux les patients et les familles touchés par les maladies rares. Suivez nous sur notre site internet ou notre page LinkedIn

 

La génétique tient une part primordiale dans le monde des maladies rares. Il est en effet estimé qu’environ 80 % des maladies rares sont d’origine génétique dont la plupart sont héréditaires c’est-à-dire transmissibles à la descendance. Situé au sein de l’hôpital de la TIMONE Enfants, le service de génétique dirigé par le Pr Karine NGUYEN, compte cinq conseillers en génétique qui reçoivent et orientent les patients et leurs familles atteints d’une maladie génétique. Émilie CONSOLINO, qui occupe ce poste depuis Janvier 2011 a accepté de répondre à nos questions afin de nous décrire les enjeux de son métier.

 

Emilie Consolino (à gauche de l'image) est conseillère en génétique dans le service de génétique de l'AP-HM. Elle travaille notamment avec le centre de référence des cardiomyopathies et des troubles du rythme cardiaque héréditaires ou rares dirigé par le Pr Habib.

Bonjour Émilie, peux-tu décrire ton parcours avant d’occuper ton poste actuel ?

Bonjour, suite à une licence en biologie, je souhaitais m’orienter vers le milieu médical même si je n’étais pas attirée par le soin et la recherche. Après m’être informée sur les opportunités de formations, j’ai décidé de poursuivre mes études par un master « conseil génétique et médecine prédictive » que j’ai obtenu en 2007 à Marseille. J’ai ensuite travaillé à l’Institut Gustave ROUSSY pendant 3 ans dans le domaine de l’oncogénétique puis j’ai intégré le service de génétique de l’AP-HM en 2011. En parallèle, je suis présidente de l’association française des conseillers génétiques (AFCG) qui a pour objectif de faire connaître et reconnaître la profession de conseillers en génétique.

 

Qu’est-ce qu’un conseiller en génétique ?

Comme son nom l’indique, mon métier consiste à informer et suivre les patients et les familles concernés par des affections génétiques.

Lorsqu’un médecin diagnostique une maladie génétique chez un de ses patients, il l’oriente vers notre service. Notre rôle est d’informer le patient sur la composante génétique de sa maladie et de délivrer le conseil génétique le conseil génétique c’est-à-dire la probabilité pour un patient de développer une maladie génétique et/ou de la transmettre à sa descendance. Pour ce faire, nous recueillons les antécédents familiaux et médicaux du patient en l’interrogeant lors d’une consultation. Cela me permet d’établir le plus précisément possible son arbre généalogique et de prescrire les analyses génétiques adaptées. En tant que conseillère en génétique, je suis habilitée à prescrire les analyses génétiques. Dans ce cas, le patient doit signer un consentement afin de certifier qu’il donne son accord, qu’il est informé de son devoir d’information à la parentèle en cas de variation génétique pathogène et de la possibilité de mettre en évidence une donnée incidente.

Avec les résultats, nous évaluons le conseil génétique et je délivre les informations au patient. J’explique en quoi consistent les maladies génétiques, quels sont les risques de transmission et les prises en charge possibles. Je rappelle également au patient qu’il a le devoir d’information de ses apparentés, c’est-à-dire qu’il doit prévenir les membres de sa famille du risque de développer ou de transmettre la maladie génétique. Dans certains cas très rares, les patients ne souhaitent pas informer leurs apparentés directement et c’est à nous de mettre en place ce qui est recommandé dans la loi.

 

Que se passe-t-il pour les patients une fois que la maladie génétique est confirmée ?

Lorsque la maladie génétique est confirmée et que les informations ont été transmises au patient, je l’oriente vers le médecin spécialiste adéquat qui réalisera la suite de sa prise en charge.

 

Nous sommes amenés à continuer d’accompagner et conseiller les patients, si un couple a un désir de grossesse par exemple. Dans ce cas-là, un diagnostic prénatal (DPN)/diagnostic préimplantatoire(DPI) peut être réalisé afin de détecter la modification génétique chez l’embryon ou le fœtus. L’objectif est de pouvoir proposer aux patients les différentes possibilités de prise en charge pour ne pas transmettre. Plusieurs tests peuvent être réalisés pour détecter une maladie génétique dans le cadre du DPN:

 

  • Un dépistage prénatal non invasif (DPNI) d’exclusion qui consiste en une prise de sang mais qui concerne uniquement les cas où le père est le porteur de l’altération génétique en cas de maladie autosomique dominante ou d’une variation pathogène différente s’il s’agit d’une maladie autosomique récessive.

 

  • Un dépistage prénatal (DPN) invasif, telles qu’une biopsie de trophoblastes ou une amniocentèse.

 

Dans certains cas, très encadrés par la même loi que pour le DPN, il est également possible de réaliser un diagnostic préimplantatoire (DPI) qui permet à des personnes porteuses d’une maladie génétique grave et incurable de concevoir un enfant par PMA sans lui transmettre sa pathologie. Il s’agit d’une technique avec sélection d’embryons. Cependant, elle n’est pas réalisée dans tous les CHU, notamment pas à Marseille (5 centres en France).

 

Comment les conseillers en génétique du service sont-ils organisés ?

Nous sommes 5 conseillers en génétique dans le service. Deux sont spécialisés en oncogénétique, une s’occupe des consultations prénatales et un des consultations cardiovasculaires. Pour ma part, Je me suis spécialisée en cardio-génétique et neuro-génétique. Je suis également impliquée les diagnostiques pré-symptomatiques des maladies neuro-génétiques tardives, c’est-à-dire les maladies dont les symptômes neurologiques se déclenchent tardivement.

Nous exerçons tous sous délégation d’un médecin qualifié en génétique.

 

Combien de temps en moyenne dure une consultation et combien en fais-tu par an ?

Lors d’une consultation avec un patient, je dois prendre le temps de l’informer sur sa maladie, le mode de transmission, les techniques d’analyse, les résultats possibles et sur l’obligation d’information des apparentés. Le rendez-vous dure en général 30 minutes. Les patients qui en ont besoin peuvent également être reçus par la psychologue du service. Ceux qui sont touchés par une maladie neuro-génétique tardive doivent obligatoirement rencontrer toute l’équipe médicale, notamment le médecin généticien et la psychologue.

Je reçois des patients 4 matinées par semaine, ce qui représente 800 à 1000 consultations par an environ.

 

As-tu des interactions avec d’autres professionnels ?

Comme je l’ai expliqué précédemment, je travaille très étroitement avec les médecins généticiens du service avec qui j’ai des discussions quotidiennes sur les patients et leurs suivis. J’interagis également avec les médecins spécialistes qui ont orienté les patients vers notre service et inversement. Enfin, je travaille et discute avec les médecins biologistes lors de l’obtention des résultats des examens génétiques.

J’ai des réunions très fréquentes avec tous ces corps de métiers pour discuter des dossiers de patients et réfléchir aux meilleures approches de prise en charge. 

 

Avec l’essor de la génétique, comment a évolué le métier ?

Le métier de conseiller en génétique est différent de ce qu’il était au début de ma carrière en 2007. En effet, à l’époque, le métier était nouveau, personne ne connaissait. Aujourd’hui nous sommes plus nombreux et heureusement car les besoins en consultation de conseil génétique sont exponentiels. L’amélioration des connaissances sur les maladies génétiques et l’explosion des techniques de dépistages fait que beaucoup plus de diagnostics sont portés aujourd’hui et le nombre de consultations a explosé. D’autre part, les résultats arrivent beaucoup plus rapidement : il y a 20 ans, il fallait en général plus d’un an pour avoir les résultats d’une analyse génétique sur un seul gène alors que maintenant cela est réalisé en 2 à 3 mois pour un gène, 6 à 9 mois pour l’analyse d’un panel de gènes. Le facteur limitant aujourd’hui est surtout la disponibilité des médecins biologistes interprétateurs qui sont indispensables pour analyser les résultats.

Je trouve ce métier passionnant par son coté très varié et stimulant. J’apprends énormément chaque jour et j’aime le côté relationnel avec les patients, même s’il n’est pas toujours facile à gérer. Les patients ont tous des histoires personnelles et familiales singulières et complexes ; prendre le temps de les accompagner est primordial.

 

Merci à Émilie d’avoir accepté de répondre à nos questions et pour son travail remarquable auprès des patients touchés par une maladie rare.

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