Immunoglobulines polyvalentes IV : une option de « sauvetage » des AHAI sévères de l’adulte
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Les immunoglobulines polyvalentes intraveineuses : une option thérapeutique de « sauvetage » parfois utile au cours des anémies hémolytiques auto-immunes de l’adulte, mais précieuse et à réserver aux formes les plus sévères de la maladie
Dans une étude observationnelle, le centre de référence des cytopénies auto-immunes de l'adulte a évalué l’intérêt d’utiliser des Immunoglobulines polyvalentes intraveineuses chez des patients atteints d’anémie hémolytique auto-immune sévère. Leurs résultats montrent que l’usage de ce traitement pourrait être utile chez environ 1/3 des patients.
L’anémie hémolytique auto-immune (AHAI) de l’adulte est une maladie rare du sang au cours de laquelle des anticorps, appelés auto-anticorps anti-érythrocytaires, attaquent les globules rouges et les détruisent. La maladie se traduit par une baisse anormale du taux d’hémoglobine et peut entrainer différents symptômes tels qu’une jaunisse, des urines foncées, une fatigue ou encore un essoufflement à l’effort voire au repos. Dans les formes les plus graves, le défaut d’apport en oxygène aux organes les plus importants (cœur, cerveau) peut mettre en jeu le pronostic vital des patients atteints.

Le centre de référence maladies rares (CRMR) constitutif des cytopénies auto-immunes de l'adulte (CERECAI), situé au sein du service de médecine interne de la TIMONE Adultes est coordonné par le Pr Mikaël EBBO. Il accueille les patients atteints de ces pathologies et s’intéresse au développement de nouveaux traitements pour améliorer leurs prises en charge et leurs parcours de soin.
Les corticostéroïdes représentent le traitement de première ligne des formes d’AHAI dites « à anticorps chauds ». Le Rituximab, un anticorps monoclonal anti-CD20, est quant à lui de plus en plus souvent utilisé dans les formes à anticorps chauds comme à anticorps froids. Cependant, dans les cas plus graves, ces traitements sont parfois insuffisamment ou pas assez rapidement efficaces, avec une dépendance aux transfusions importante. Les immunoglobulines polyvalentes intraveineuses (IgIV) sont des thérapies préparées à partir d’un pool d’anticorps provenant du plasma de milliers de donneurs sains. Leur utilisation au cours de l’AHAI ne reposait jusqu’à présent que sur des données anciennes, obtenues à la fois chez l’adulte et chez l’enfant, et sur un très faible nombre de patients adultes.
Dans une étude rétrospective observationnelle réalisée dans 14 centres français et publiée dans l’American Journal of Hematology (rang A, impact factor 10,1), l’équipe du CERECAI et ses collaborateurs ont analysé les dossiers de 34 patients atteints d’AHAI et ayant reçu des IgIV. Afin d’analyser l’efficacité et la sécurité des IgIV chez ces patients, les chercheurs ont comparé la concentration d’hémoglobine (Hb) dans le sang des patients au jour de l’injection d’IgIV et 7 jours après. Une réponse positive a été définie comme une augmentation d’au moins 2 g/dL d’Hb par rapport au taux de base et en l’absence de toute transfusion durant ces 7 jours.
Au total, 34 patients ont été étudiés : 68% d’AHAI à anticorps chauds, 18% à anticorps froids et 14% mixtes. Dans 35% des cas, la maladie était secondaire à une autre pathologie (lymphomes, déficits immunitaires, infections, lupus…) mais le plus souvent, dans 65% des cas, elle était primitive. Il s’agissait de formes sévères de la maladie, avec un taux médian le plus bas d’Hb avant IgIV de 4,4 g/dL, une résistance aux corticoïdes dans 38% des cas, et une dépendance aux transfusions dans 41% des cas. Parmi l’ensemble de ces patients, 11 (32,4 %) ont répondu aux IgIV selon le critère de jugement retenu. Ce taux de réponse est passé à 57% à J14, mais l’introduction concomitante d’autres traitements à mécanisme d’action différé chez une proportion significative de patients a rendu l’interprétation de ce résultat difficile. Différents profils de réponse, plus ou moins rapides, ont été observés. Le seul facteur prédictif identifié comme associé à la réponse a été une utilisation précoce au diagnostic de la maladie. En termes de tolérance, un seul évènement à type d’accident thrombotique veineux a été observé et est survenu 5 jours après l’administration d’IgIV chez un patient de 60 ans récemment infecté par le SARS-Cov2, et d’évolution favorable.
Les auteurs tempèrent leurs résultats du fait de son caractère observationnel, rétrospectif et non contrôlé, inhérent à la rareté de ces formes très graves de la maladie. De plus, la nécessité d’utilisation de traitements concomitants chez une proportion notable de patients a rendu l’évaluation de l'efficacité spécifique des IgIV difficile. L’extrapolation des résultats à tous les types d'AIHA (mixtes par ex, sévères et faiblement représentées ici) est donc difficile. Enfin, bien qu’il s’agisse de la plus large série de la littérature sur le sujet, le nombre relativement faible de patients inclus a pu réduire la possibilité d'identifier certains paramètres susceptibles d'être associés à un taux de réponse plus élevé.
Les auteurs concluent cependant que l’utilisation d’IgIV pourrait être utile chez un tiers des adultes pris en charge pour une AIHA sévère. En l'absence de facteur prédictif clair de la réponse, et compte tenu du coût et des problèmes récurrents de pénurie d'IgIV, l'utilisation des IgIV dans ce contexte ne devrait être réservée qu’aux formes sévères d’AHAI dépendantes des transfusions avec mise en jeu du pronostic vital. D’autre part, leur indication devrait être discutée et validée par un centre de référence ou de compétence.
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