La chirurgie pour les enfants atteints de sclérose tubéreuse complexe associée à l’épilepsie ?
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La sclérose tubéreuse complexe est une maladie génétique rare souvent associée à l’épilepsie. La prise en charge des crises est difficile car la thérapie médicamenteuse est souvent insuffisante. Dans une étude récente, des équipes de Marseille et Strasbourg coordonnées par le docteur Nathalie Villeneuve, neuropédiatre dans le centre de référence des épilepsies rares de l’AP-HM, se sont intéressées à l’évaluation préopératoire conduisant à une chirurgie chez les enfants atteints de TSC associée à l’épilepsie. Leurs recherches montrent que la chirurgie pourrait offrir des résultats prometteurs pour les patients malgré une pathologie complexe.
La sclérose tubéreuse complexe (Tuberous Sclerosis Complex ou TSC) est une maladie génétique rare qui affecte 1 personne sur 6000 environ. Elle est causée par des mutations dans les gènes TSC1 ou TSC2 qui entraînent respectivement un dysfonctionnement de l’hamartine ou de la tubérine, des protéines qui participent à la régulation de la prolifération cellulaire. La TSC se caractérise par le développement de tumeurs bénignes qui peuvent atteindre plusieurs organes tels que la peau, le cerveau, les reins, les yeux, le cœur ou le poumon. Les symptômes et l’évolution de la TSC sont très variables d’une personne à l’autre, les atteintes neurologiques constituant souvent l’aspect le plus critique de la maladie. L’épilepsie, qui traduit un dérèglement soudain et transitoire de l’activité électrique du cerveau, est la manifestation la plus fréquemment associée à la TSC et affecte autour de 80 % des patients touchés.
La prise en charge de la TSC associée à l’épilepsie est complexe et fait régulièrement l’objet de recommandations internationales. Le vigabatrin, un médicament anti-épilepsie (anti-seizure medication ou ASM), est à l’heure actuelle le traitement de première intention pour contrôler les spasmes épileptiques infantiles associés à la TSC. Cependant, plusieurs études montrent que les deux tiers des patients atteints par la TSC associée à l’épilepsie continuent à avoir des crises : chez la moitié d’entre eux, deux ASM ou plus sont désormais nécessaires et 40 % deviennent résistants aux ASM, c’est-à-dire insensibles à leurs actions. La recherche de solutions alternatives est donc essentielle pour mieux prendre en charge les patients.
Plusieurs études ont rapporté de bons résultats de la chirurgie pour les patients atteints de TSC associée à l’épilepsie mais les modalités de la sélection et les caractéristiques des patients opérés sont encore mal décrites. Dans une étude de cohorte portant sur la pratique des 20 dernières années, des équipes de recherche de Marseille et Strasbourg ont voulu décrire les caractéristiques cliniques et l’évaluation préopératoire conduisant à une chirurgie chez les enfants atteints de TSC associée à l’épilepsie. Cette recherche, publiée dans la revue neurologique, a été coordonnée par le docteur Nathalie Villeneuve, neuropédiatre au sein du centre de référence des épilepsies rares dirigé par le Professeur Fabrice BARTOLOMEI et le Professeur Mathieu MILH en tant que référent pédiatrique.

Le Dr Nathalie Villeneuve, neuropédiatre au sein du centre sein du centre de référence des épilepsies rares, a coordonné cette étude
Une cohorte de 86 patients atteints de TSC associée à l’épilepsie
Afin de mener leur projet, l’équipe s’est intéressée à deux cohortes de patients nés après le 1er Janvier 2000 et souffrant de TSC et de crises d’épilepsie dans les départements de neurologie pédiatrique des hôpitaux de Marseille et de Strasbourg. Ils ont identifiés 84 enfants répondant aux critères et présentant les caractéristiques suivantes :
- Génétique : l’information génétique a pu être récupérée pour 64 patients (76 % des patients de la cohorte) et a montré que 10 patients (16 %) étaient porteurs d'une mutation TSC1 et 42 (65 %) étaient porteurs d'une mutation TSC2
- Épilepsie : Les données ont montré que l'âge médian à la première crise dans cette cohorte était de sept mois et que 75 % des patients avaient eu une première crise au cours de leur première année de vie.
- Symptômes neurologiques : Les chercheurs ont montré que près de la moitié des patients avaient connu des crises tonico-cloniques focales à bilatérales et que sept patients (8,3 %) avaient présenté des convulsions généralisées et une évolution phénotypique vers le syndrome de Lennox-Gastaut (LGS). D’autre part, des troubles du spectre autistique étaient présents chez 34 patients (40,5 %), 49 patients (58 %) présentaient au moins une déficience intellectuelle légère et 25 (29.8%) présentaient des troubles graves du comportement.
- Effet des médicaments : Parmi les 84 patients de la cohorte, 39 (46,4 %) étaient initialement résistants aux médicaments anti épilepsie (ASM). Les données ont montré que ces 39 enfants avaient eu leur première crise plus tôt et présentaient plus de déficiences intellectuelles que les autres.
Les patients touchés par la TSC associée à l’épilepsie présentent donc une épilepsie très précoce et grave.
19 % des patients de la cohorte ont subi une chirurgie
Parmi les 39 enfants résistants aux ASM, les données ont montré que 16 avaient subi une chirurgie (19 % de la cohorte totale) à l’âge de trois ans et demi en moyenne. Chez 7 de ces patients (44 % des patients ayant subi une chirurgie), une électroencéphalographie stéréotaxique (SEEG) a été réalisée avant la chirurgie afin de recueillir l’activité électrique des neurones, ce qui a eu pour conséquences d’augmenter le délai avant la chirurgie (41.7 mois vs 49.8 mois). Les auteurs ont montré que, après la chirurgie, 57 % des enfants étaient restés sans crise pendant 1 an, 54 % pendant 2 ans, et 43 % pendant 10 ans. Aucune différence n’a été observée entre les patients ayant eu une SEEG et les autres.
27 % des patients de la cohorte n’ont pas subi de chirurgie
Parmi les 39 patients pharmacorésistants, 23 (59 % d’entre eux) n’ont pas subi d’intervention chirurgicale, pour des raisons diverses, telles qu’une évolution vers une pharmacosensibilité spontanée, un refus des parents ou une contrindication à la chirurgie.
En conclusion, cette étude fournit un aperçu complet de l’évaluation et des résultats de la chirurgie de l'épilepsie pour les patients atteints de TSC associée à l’épilepsie au cours des 20 dernières années. La chirurgie permet des résultats équivalents à ceux d’autres populations de patients atteints d’épilepsie pharmaco-résistante et est associée à une réduction des convulsions, de l’encéphalopathie épileptique et de l’ASM, ce qui est crucial chez les jeunes enfants en développement.
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