Rencontre avec Julie OUAGA, assistante sociale dans plusieurs centres maladies rares

Julie Ouaga, assistante sociale au sein des centres de maladies rares des Pr Azulay et Attarian, a accepté de partager son parcours et d'expliquer comment elle accompagne les patients au quotidien.

 

La majorité des maladies rares sont graves, évolutives et souvent invalidantes. Les personnes concernées doivent apprendre à vivre avec leur pathologie, tout en affrontant quotidiennement de nombreuses difficultés dans tous les aspects de leur vie. Le manque de reconnaissance collective de ces maladies, souvent associées à des symptômes invisibles comme la douleur ou la fatigue, aggrave encore ces défis. Cela peut entraîner un isolement social, une déscolarisation ou une perte d'emploi. Ces ruptures dans le parcours de vie fragilisent profondément les familles, parfois jusqu'à les plonger dans une grande précarité.

 

Pour offrir un suivi adapté, des centres spécialisés réunissent des équipes pluridisciplinaires composées de médecins, infirmiers, psychologues, kinésithérapeutes, entre autres. L'assistante sociale y joue un rôle clé en apportant un soutien aux patients dans la gestion des difficultés sociales et en les orientant vers les structures les mieux adaptées à leur état de santé.

 

Julie Ouaga, assistante sociale, a accepté de répondre à nos questions pour nous présenter son métier et expliquer comment elle accompagne les patients atteints de maladies rares dans leurs parcours de soin.

 

Bonjour, pouvez-vous nous expliquer votre parcours avant d’occuper votre poste actuel ?

J'ai exercé en tant que mandataire judiciaire à la protection des majeurs au sein de l'Union Départementale des Associations Familiales (UDAF) de la Seine-Saint-Denis (93), puis de celle des Bouches-du-Rhône (13).

 

Les UDAF ont pour rôle de conseiller les pouvoirs publics sur les enjeux familiaux, de représenter les familles auprès des autorités, de gérer des services d'intérêt familial, et de défendre en justice les intérêts matériels et moraux des familles.

 

J'ai ensuite choisi de réaliser une Validation des Acquis de l'Expérience (VAE) pour devenir assistante sociale, et j'ai intégré mon poste à l'APHM il y a presque un an, en décembre 2024.

Dans quels centres maladies rares intervenez-vous ?

Mes activités se répartissent entre le service de neurologie et de pathologies du mouvement, dirigé par le Professeur Jean-Pierre AZULAY, et le service des maladies neuromusculaires et de la sclérose latérale amyotrophique (SLA), dirigé par le Professeur Shahram ATTARIAN.

 

Dans le premier, je suis principalement en charge des patients suivis dans le centre de référence de la maladie de Huntington et des autres chorées, coordonné par le Pr Azulay.

 

Dans le second, j'accompagne les patients du Centre de référence des maladies neuromusculaires PACA/Réunion/Rhône-Alpes, coordonné par le Pr Attarian, ainsi que ceux du centre de référence de la SLA et des autres maladies rares du neurone moteur, coordonné par le Dr Grapperon.

Quelles sont les répercussions sociales de la maladie sur les patients et leurs familles ?

Les conséquences sociales varient en fonction du degré de la maladie et de la situation socio-économique des patients. Beaucoup d'entre eux ignorent qu'ils peuvent accéder à des aides sociales et humaines pour les soutenir dans leur quotidien. Quant aux proches, ils se retrouvent fréquemment isolés et épuisés, nécessitant un accompagnement pour mieux prendre en charge leurs proches malades. Les solutions de répit sont rares.

Quel est votre rôle et comment accompagnez-vous les patients ?

Mon rôle consiste principalement à faire le lien entre l’hôpital et le quotidien des patients. J’accompagne ceux-ci dans leurs démarches administratives pour faciliter leur prise en charge, l’accès à leurs droits, ainsi que l’organisation de leur sortie d’hôpital. J’interviens à la fois auprès des patients hospitalisés et de ceux qui viennent en consultation. Ce sont généralement les médecins qui me sollicitent lorsqu’ils estiment que mon aide est nécessaire en raison de la situation particulière d’un patient. Mon intervention s’adapte selon les besoins médicaux et familiaux de chaque patient. Parfois, le logement n’est pas adapté et représente un danger pour le patient, ou bien l’aidant est épuisé. Dans ces cas, il est essentiel de trouver des solutions personnalisées et adaptées à chaque situation.

 

Dans le cas de la maladie de Huntington, par exemple, les patients souffrent de troubles de l’équilibre, ce qui entraîne des chutes fréquentes et des difficultés à accomplir des tâches simples du quotidien. Ils nécessitent donc une assistance adaptée. Par ailleurs, ces patients n'ont souvent pas conscience de leur pathologie et ne sont plus en mesure de prendre des décisions concernant leur propre bien-être.

 

J’interviens ainsi à différents niveaux, notamment pour :

 

  • L’ouverture des droits à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM).
  • La constitution d’un dossier à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH)
  • La mise en place d’un dossier pour l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) afin de financer les dépenses liées au maintien à domicile
  • L’organisation d’une hospitalisation à domicile (HAD)
  • La recherche d’une structure d’accueil adaptée aux besoins du patient, telles que :

 

- SSR (Soins de Suite et de Réadaptation) : ces structures proposent des soins médicaux, curatifs, palliatifs, ainsi que de la rééducation, de la réadaptation, et des actions de prévention et d’éducation thérapeutique. Elles accompagnent également la réinsertion familiale, sociale, scolaire ou professionnelle.

 

- EHPAD (Établissement d'Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes) : ces établissements accueillent les personnes âgées dépendantes.

 

- Dispositif HTU (hébergement temporaire d’urgence) en EHPAD : il offre aux personnes en perte d’autonomie un hébergement temporaire, d'une durée maximale de 30 jours, afin de préparer leur retour à domicile dans un environnement sécurisé et de prévenir les ré-hospitalisations.

 

Certaines situations sont particulièrement complexes, notamment en raison du manque de lits à l’hôpital, de la pénurie de places en SSR et de la précarité parfois évidente des patients. De plus, certains patients résident en dehors des Bouches-du-Rhône, ce qui complique encore davantage mon intervention.

 

Au sein du centre Huntington, nous allons lancer un programme d’éducation thérapeutique du patient (ETP), auquel je participerai en animant un atelier.

Comment s'organise votre journée de travail ?

Je commence généralement ma journée en consultant la liste des patients présents dans le service et en vérifiant leurs droits (CPAM et mutuelle). En cas de difficultés, je vais à la rencontre des patients pour démarrer un accompagnement. Les internes et les médecins seniors me contactent également pour me signaler les problèmes rencontrés par certains patients.

 

Comme mentionné précédemment, les principales orientations concernent généralement des demandes de SSR, d'EHPAD, et parfois d'HTU.

 

Il y a une pression importante à l'hôpital pour libérer les lits afin de pouvoir accueillir de nouveaux patients. J'essaie de trouver des solutions rapidement, mais cela reste très complexe, d'autant plus que les patients que je suis nécessitent une vigilance particulière et une grande attention.

Quels âges ont les patients que vous accompagnez ?

Je travaille exclusivement dans des services adultes et j’accompagne des patients ayant entre 35 et 80 ans en moyenne.

Avec quels autres professionnels travaillez-vous ?

Les centres sont composés d'une équipe pluridisciplinaire pour offrir un accompagnement optimal aux patients. Je collabore régulièrement avec de nombreux professionnels du service, tels que des infirmières, médecins, internes, et personnels de recherche clinique.

 

Je suis également en contact fréquent avec les directeurs d'établissement, notamment ceux des EHPAD, que je rencontre régulièrement pour m'assurer que les patients reçoivent une prise en charge adéquate.

 

Sur le site de l'hôpital de la Timone, nous sommes 15 assistantes sociales et nous nous soutenons régulièrement. Cela m’a été particulièrement utile au début, car ce métier était tout nouveau pour moi. Nous organisons des groupes de parole afin de partager nos expériences, discuter des défis du métier et de la pression parfois difficile à supporter.

 

Un grand merci à Julie pour son témoignage sur son métier et ses missions. La présence d’une assistante sociale dans les centres maladies rares est clairement un véritable atout pour les patients.

 

internet-card-actu-maladies-rares.png