Dépistage néonatal : succès de santé publique et dilemmes éthiques
Il existe près de 7.000 maladies rares (le seuil a été fixé à moins d’une personne malade sur 2000), soit près de 3 millions de patients en France et 300 millions dans le monde. Au sein de l’AP-HM, l’activité maladies rares est riche : 87 centres sont présents dans les services et prennent en charge plus de 50.000 patients par an. Tous les mardis, la plateforme d’expertise maladies rares de l’AP-HM partage avec vous les actions réalisées autour des maladies rares à l’AP-HM : publications scientifiques, participations à une étude, présentations de centres ou d’événements, paroles de patients ou de soignants, etc. Une façon de mettre en valeur et faire connaitre le travail remarquable des professionnels de santé pour accueillir et aider au mieux les patients et les familles touchés par les maladies rares. Suivez nous sur notre site internet ou notre page LinkedIn
Le dépistage néonatal consiste à repérer des maladies graves chez les nouveaux nés avant même l’apparition des premiers signes afin de mettre en place un traitement et un accompagnement adapté le plus rapidement possible. Dans un article récent, le Professeur Brigitte Chabrol, neuropédiatre à l’hôpital de la TIMONE à Marseille et responsable médicale du centre régional de dépistage néonatal (CRDN) Paca et Corse, décrit le succès du programme de dépistage néonatal en France et aborde les questions sociétales et éthiques qui l’entourent.
Le programme national de dépistage néonatal existe en France depuis 1972. Il est proposé gratuitement à tous les nouveau-nés. Il repose sur le prélèvement de quelques gouttes de sang déposées sur un papier buvard et vise à détecter la présence de 13 maladies rares afin de prendre en charge les enfants le plus rapidement possible, avant même que les premiers signes n’apparaissent.
Si le dépistage néonatal est à l’heure actuelle réalisé en routine dans les maternités, le Professeur Brigitte Chabrol, neuropédiatre à l’hôpital de la TIMONE (AP-HM) rappelle dans son article, publié dans la revue Perfectionnement en pédiatrie, qu’il a fallu beaucoup d’énergie et de persévérance aux pédiatres pour mener ce projet à bien. Ce pari fou de 1972 est pourtant aujourd’hui considéré comme un succès incontestable avec des chiffres qui parlent d’eux-mêmes : depuis plus de 50 ans, plus de 37 millions de nouveaux nés ont été dépistés et près de 30.000 ont été diagnostiqués puis traités précocement. Le dépistage néonatal est aujourd’hui inscrit dans le plan national maladies rares 4 (PNMR4) et est considéré comme le point d’entrée dans le parcours de soin d’un enfant touché par une des 13 maladies concernées.
En France, plusieurs critères ont permis de désigner les 13 maladies dépistées aujourd’hui. Tout d’abord, la pathologie doit être connue, détectable avant que des dommages irréversibles ne se produisent et sensible à un traitement efficace et éprouvé. D’autre part, le marqueur de détection doit être fiable et facile à doser avec une technique robuste et peu couteuse.
Au fur et à mesure des années et des évolutions scientifiques, le dépistage néonatal s’est élargi à de nouvelles maladies. En 2025, l’amyotrophie spinale infantile, une pathologie très sévère entrainant un décès avant l’âge de 2 ans, devrait être dépistée car les traitements par thérapie génique sont aujourd’hui en mesure de prolonger la durée et la qualité de vie des malades.
Un succès de santé publique reconnu mais des questions sociétales et éthiques
Comme l’explique le Professeur Chabrol dans son article, le développement du dépistage néonatal pose de nombreuses questions sociétales et éthiques.
Au niveau de la société, Il est important pour les patients et leurs parents de ne pas surestimer les avantages et/ou sous-estimer les inconvénients d’une thérapie. Il est également crucial de regarder l’effet global du dépistage précoce sur la santé publique, notamment en termes de réduction de maladies et de coûts associés. En effet, les thérapies innovantes ont, pour la plupart, des couts très élevés pouvant aller jusqu’à 2 millions d’euros pour une injection de thérapie génique. Pour ces questions, et comme le rappelle Jean-François Delfraissy, président du comité national d’éthique (CCNE) il est « fondamental que ces sujets soient discutés avec les citoyens ».
Au niveau éthique, plusieurs principes, formulés par Beauchamp et Childress en 1979, doivent être respectés :
- L’autonomie : il faut trouver l’équilibre entre un dépistage très large et le respect de l’autonomie des parents qui peuvent le refuser pour leur enfant.
- La non malfaisance : la technique de dépistage doit être considérée comme « efficace », ce qui signifie qu’elle doit limiter au maximum le dépistage positif d’enfants non malades, et à l’inverse, l’absence de dépistage chez des enfants malades.
- La bienveillance : Le dépistage d’une des 13 maladies doit entrainer une amélioration directe de la qualité de vie du patient. Cependant, le dépistage d’une maladie dont il n’existe pas encore de traitements spécifiques pourrait réduire la phase d’errance diagnostique et intégrer plus rapidement les malades dans un circuit de soin adapté.
- La justice : l’accès au dépistage doit être identique pour tous les nouveaux nés.
Deux courants peuvent se démarquer, « l’interventionniste techno progressiste » qui considère que la science doit avancer avant tout et « le précautionnisme radical » qui met au premier rang la dignité de la personne humaine.
Ses questions éthiques sont très importantes et doivent toujours être prises en considération pour le bien des patients.
Pour en savoir plus, merci de consulter le PDF de l’article du Professeur Chabrol publié dans la revue Perfectionnement en pédiatrie.
Pour l’article en anglais merci de suivre ce lien
