La rénine plasmatique pour ajuster les doses d’hormones chez les patients souffrant d’insuffisance surrénalienne primaire ?
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L’insuffisance surrénalienne primaire est une maladie rare qui impacte la production de certaines hormones dans l’organisme. Elle nécessite un traitement hormonal substitutif à vie afin d’éviter des complications potentiellement mortelles. Dans une étude récente, les équipes des centres des maladies rares de la surrénale de Marseille et de Caen se sont intéressés à la rénine plasmatique, une enzyme qui pourrait servir de marqueur pour ajuster les doses de certaines hormones et mieux traiter les patients atteints de cette maladie.
Situées au-dessus des reins, les glandes surrénales synthétisent et libèrent une grande variété d’hormones dans le sang qui sont nécessaires au fonctionnement de nombreux organes comme le foie, le système nerveux et l’appareil cardiovasculaire. Elles sont composées de deux parties : la médullosurrénale (partie interne) qui sécrète les catécholamines (adrénaline et noradrénaline) et la corticosurrénale (partie externe) responsable de la production des glucocorticoïdes ou GC (cortisol), des minéralocorticoïdes ou MC (aldostérone) et des androgènes (testostérone).
L’insuffisance surrénalienne primaire (Primary adrenal insufficiency ou PAI), également appelée maladie d’Addison, est caractérisée par un défaut de sécrétion des GC et des MC par les glandes surrénales. Cette pathologie entraine des symptômes très variés tels qu’une grande fatigue chronique, des troubles gastro-intestinaux, une hypotension artérielle et une pigmentation de la peau. Si la maladie n’est pas traitée, une crise surrénalienne aigüe peut se produire et rapidement conduire au décès. Chez les patients touchés par la PAI, un traitement hormonal substitutif à vie est donc indispensable pour éviter les complications potentiellement fatales. Cependant, si les recommandations pour le remplacement des GC sont relativement bien codifiées (le cortisol est souvent substitué par de l’hydrocortisone), il n’en est pas de même pour les MC.
La fludrocortisone est un substitut de l’aldostérone (le plus puissant des MC) mais les études manquent sur son utilisation optimale dans le traitement de la PAI et de nouvelles recherches sont nécessaires pour déterminer les dosages adéquats. Sécrétée par les reins, la rénine plasmatique est une enzyme qui stimule la sécrétion d’aldostérone. Dans une étude récente, publiée dans Journal of the Endocrine Society, une équipe de recherche menée par le Docteur Cecilia PIAZZOLA et coordonnée par le Professeur Frédéric CASTINETTI, responsable du centre de compétence des maladies rares de la surrénale, s’est intéressée au dosage de la rénine plasmatique afin d’ajuster la quantité de fludrocortisone chez les patients atteints de PAI. Les résultats montrent que cette enzyme pourrait être un marqueur pertinent pour adapter la quantité de fludrocortisone chez ces patients.
Photo de l'équipe du Professeur Frederic Castinetti
Le Pr Castinetti est responsable du centre de compétence des maladies rares de la surrénale de l'AP-HM et est l'investigateur principal de cette étude. Le Docteur Cecilia PIAZZOLA (en haut à droite de l'image) est le premier auteur de la publication.
Une étude rétrospective sur les données de 150 patients
Pour réaliser leur étude, les chercheurs se sont intéressés aux données d’un panel de 150 patients atteints de PAI et suivis dans deux centres maladies rares, à Marseille et à Caen, entre 2008 et 2022. Chez tous les patients, au moins une mesure de la rénine plasmatique avait été réalisée (44 ont eu une seule mesure, 53 deux et 53 trois).
En s’appuyant sur les recommandations françaises, les chercheurs ont considéré que les patients avec une concentration de rénine inférieure à 20 mUI/L étaient « sur-substitués », située entre 20 et 60 mUI/L étaient « correctement substitués » et supérieure à 60 mUI/L étaient « sous-substitués ». Ils ont calculé que la dose moyenne de fludrocortisone utilisée chez les patients était de 82,3 ± 46 μg/jour. Chez 85 patients, soit dans 56.7 % des cas, la rénine plasmatique était anormale (7 sursubstitués et 78 sous-substitués).
Comme l’aldostérone, la fludrocortisone provoque une rétention de sodium et une excrétion de potassium par les reins. De ce fait, elle affecte l'équilibre sodium-potassium de l'organisme et la pression artérielle. Cependant, l’équipe a observé des anomalies des taux d’électrolytes (sodium et potassium) chez seulement 12.7 % des patients.
Les auteurs ont également montré que les taux de rénine plasmatique étaient corrélés avec les taux d’électrolytes dans le sang et avec la pression artérielle systolique (PAS). Plus les taux de rénine étaient élevés, plus les concentrations de sodium dans le sang et la PAS étaient bas et plus les taux de potassium étaient élevés.
D’autre part, ils ont montré que les changements de doses de MC avaient un effet statistiquement significatif sur les taux de rénine : l’augmentation de la dose de MC entrainait une diminution du taux de rénine et inversement. En revanche les auteurs n’ont pas observé de corrélation entre les doses de MC, les concentrations d’électrolytes (sodium et potassium) dans le sang et la PAS.
La rénine plasmatique comme marqueur des minéralocorticoïdes ?
En analysant les données des 150 patients inclus dans l’étude, les auteurs ont montré que le taux de rénine plasmatique était corrélé à la fois aux taux d’électrolytes dans le sang et à la PAS. En revanche, bien que les changements de dose de MC modifient significativement les taux de rénine, la PAS et les électrolytes restent inchangés. Cela suggère que la rénine peut fournir plus d'informations sur la thérapie de remplacement MC que les électrolytes et la pression artérielle.
Les auteurs concluent que la mesure de la rénine plasmatique est un marqueur plus précis que les électrolytes et la PAS pour détecter un sur-dosage ou un sous-dosage de MC. Ils suggèrent d’inclure cette mesure selon une procédure standardisée pour un suivi plus précis de la dose de substitution de la MC.
Pour en savoir plus :
https://academic.oup.com/jes/article/8/11/bvae174/7818205
