Rencontre avec Sylvie PALAZZOLO, psychologue dans le centre maladies rares MARFAN
Il existe près de 7000 maladies rares qui touchent 1 personne sur 2000, soit près de 3 millions de patients en France et 300 millions dans le monde. Au sein de l’AP-HM, l’activité maladies rares est riche : 87 centres sont présents dans les services et prennent en charge plus de 50.000 patients par an. Tous les mardis, la plateforme d’expertise maladies rares de l’AP-HM partage avec vous les actions réalisées autour des maladies rares à l’AP-HM: publications scientifiques, participations à une étude, présentations de centres ou d’événements, paroles de patients ou de soignants, etc. Une façon de mettre en valeur et faire connaitre le travail remarquable des professionnels de santé pour accueillir et aider au mieux les patients et les familles touchés par les maladies rares. Suivez nous sur notre site internet ou notre page LinkedIn
Une maladie est considérée comme rare lorsqu’elle touche moins d’une personne sur 2.000. On estime que les deux tiers des maladies rares sont graves, progressives et invalidantes. L’atteinte peut être visible dès la naissance, pendant l’enfance ou apparaitre à l’âge adulte.
Les patients touchés par une maladie rare et leurs proches doivent relever de nombreux défis notamment ceux de l’errance diagnostique (période souvent trop longue entre l’apparition des premiers symptômes et le diagnostic d’une maladie), de l’accès limité à l’expertise médicale, du manque d’informations et de l’isolement social. De ce fait, les maladies rares ont fréquemment un impact psychologique sur les patients et leurs aidants, pouvant aller de la détresse émotionnelle à l’anxiété voire à la dépression. Des difficultés financières sont souvent associées et peuvent être un facteur de stress supplémentaire.
Afin de soutenir les patients devant faire face à toutes ces difficultés, des psychologues travaillent dans de nombreux centres maladies rares. Sylvie PALAZZOLO est psychologue dans le centre de référence constitutif du syndrome de Marfan, maladies apparentées et maladies aortiques rares de l’enfant et de l’adulte coordonné par le docteur Laurence BAL au sein de l’hôpital de la TIMONE. Elle a accepté de répondre à nos questions et de nous éclairer sur son rôle auprès des patients de ce centre.

Sylvie Palazzolo est psychologue dans le centre MARFAN coordonné par le Dr Laurence BAL
Bonjour, peux-tu nous décrire ton parcours avant d’occuper ton poste actuel ?
J’ai intégré l’AP-HM en 2006 en tant que psychologue dans le service de santé publique. Depuis Mars 2013, je travaille avec le docteur Laurence BAL dans le centre maladies rares MARFAN, localisé au sein du Centre Aorte de l’hôpital de la TIMONE. Depuis 2019, je partage mon activité hospitalière avec un temps dédié à mon activité libérale.
Peux-tu nous décrire le centre MARFAN ?
Comme son nom l’indique, le centre MARFAN prend principalement en charge des patients atteints du syndrome de Marfan mais aussi de maladies apparentées et de maladies aortiques rares.
La prévalence du syndrome de MARFAN est estimée à une personne sur 5.000, soit environ 12.000 personnes en France. Il est causé par des mutations dans le gène FBN1 codant pour une protéine appelée fibrilline-1, qui permet au tissu conjonctivo-élastique de conserver sa résistance en réponse aux contraintes, en particulier pour certains organes comme les valves cardiaques, l’aorte et les artères, la peau, le poumon, l’œil ou le squelette. Les mutations pathogènes conduisent à un vieillissement prématuré des organes et par un affaiblissement de la structure des tissus qui se distendent et se déforment. Ainsi la paroi de l’aorte, la principale artère de l’organisme, s’affine progressivement, ce qui conduit à une dilatation du vaisseau et un risque de déchirure appelée dissection. Les patients touchés par cette maladie sont en général très grands, longilignes et ont différents symptômes caractéristiques comme des troubles ophtalmologiques (ectopie du cristallin, myopie sévère) et des problèmes orthopédiques (déformation du sternum, scoliose sévère, pieds plats en valgus).
Au sein du centre MARFAN, nous recevons à la fois des patients adultes et enfants. Ils peuvent arriver par plusieurs voies :
- Lorsqu’ils subissent un événement aortique majeur avec risque vital, tel qu’une dissection aortique c’est-à-dire une déchirure de la paroi de l’aorte.
- Lorsqu’ils ont des signes cliniques (par exemple une aorte épaisse) évocateurs du syndrome de MARFAN ou d’autres maladies aortiques rares.
- Lorsque des personnes de leurs familles sont touchées par cette maladie, pour un dépistage familial.
Quel est ton rôle dans le Centre MARFAN ?
En tant que psychologue du CRMR Marfan, j’accompagne les patients atteints de syndrome de Marfan et d’autres syndromes apparentés. J’y assure un suivi psychologique individualisé et/ou familial pour les patients de tous âges, les aidant à traverser les défis liés à l’annonce du diagnostic génétique, à l’acceptation de la maladie, à la préparation d’une intervention, et à la gestion des contraintes médicales et sociales.
Je travaille en étroite collaboration avec l’équipe pluridisciplinaire pour une prise en charge globale et personnalisée, intégrant les dimensions physiques, émotionnelles et sociales de la maladie.
Par ailleurs, j’accompagne les adolescents et jeunes adultes en phase de transition (15-25 ans) vers les soins adultes, en animant des ateliers d’éducation thérapeutique (ETP) centrés pour ma part sur l’estime de soi, la communication et l’autonomie.
Ce programme ETP « Marfan et transition » a lieu une fois par trimestre et est très apprécié des patients et des familles.
Enfin, je peux également intervenir auprès des patients hospitalisés, comme dans les suites d’une dissection aortique aigue, au sein des services de chirurgie cardiaque et vasculaire. Je leur apporte une prise en charge psychologique avant leur sortie d’hospitalisation afin de mieux gérer le stress post-traumatique. Cela va d’ailleurs faire l’objet d’une étude dans notre service où il sera question de proposer un suivi à ces patients afin d’améliorer leur qualité de vie et leur résilience face aux éventuelles séquelles physiques et émotionnelles, qui sont un frein majeur à la reprise d’une vie active.
Peux-tu décrire ce programme ETP-Transition et le rôle que tu y joues ?
Le programme ETP « Marfan et transition » est destiné aux adolescents et jeunes adultes diagnostiqués « syndrome de Marfan et apparentés », et âgés de 15 à 25 ans, moment clé où l’autonomie et l’estime de soi sont particulièrement importantes pour construire ses projets personnels. L’objectif principal est de devenir un acteur éclairé de son parcours de soin. En d’autres termes, ce programme vise à renforcer l’autonomie des patients, à améliorer leur qualité de vie et à les aider à mieux gérer leur maladie au quotidien.
Le programme ETP se décline essentiellement en 3 ateliers dont certains sont individuels et d’autres collectifs.
- Atelier « Estime de soi »
- Poser un regard positif sur soi
- Confiance en soi
- Mieux communiquer
J’anime cet atelier qui est centré sur des thématiques comme la gestion des émotions, la communication avec les soignants et l’entourage, la compréhension des enjeux médicaux, et l’importance et l’observance des traitements. Ces sessions permettent d’aborder des sujets sensibles dans un cadre sécurisé et bienveillant, favorisant les échanges entre les participants. Mon expertise me permet d’adopter une approche individualisée et de proposer des outils pratiques, comme des techniques de relaxation ou des stratégies cognitivo-comportementales pour faire face à l’anxiété liée à la maladie.
- Marfan c'est quoi ?
- Connaitre la maladie, son évolution, et ses traitements
- Marfans et projet d’enfant (risque de transmission, préparer une grossesse)
- Bouger, oui mais comment ? Aborder l’importance de l’activité physique adaptée
Quels âges ont les patients que vous recevez ?
Nous recevons des patients de tous âges : des enfants, des adolescents, et des adultes. Cette diversité d’âge reflète la complexité du suivi psychologique lié au syndrome de Marfan, nécessitant une prise en charge adaptée à chaque étape de la vie, tout autant que la richesse des rencontres sur un panel d’âge assez large.
Cela permet aussi de suivre des familles, et de mieux comprendre les difficultés rencontrées au fil du parcours de soin.
Quelles sont les répercussions de la maladie sur les familles ?
Lors d’une consultation, il est très fréquent que je reçoive aussi la famille des patients. Ils doivent également apprendre à vivre avec cette maladie et se questionnent beaucoup sur son caractère héréditaire. Ils ont souvent besoin d’être écouté et soutenu psychologiquement. Dans un contexte de dépistage familial, au sein d’une même fratrie, il faut aussi apprendre à aborder l’anxiété de l’enfant porteur de la prédisposition, et aussi des autres enfants qui ne l’ont pas et s’inquiète pour lui.
Avec quels autres professionnels travaillez-vous ?
Je travaille avec les divers professionnels impliqués dans la prise en charge des patients du centre MARFAN notamment des cardiologues, des généticiens, des endocrinologues, et des chirurgiens cardiovasculaires et orthopédiques. Tous les mardis, nous avons une consultation pluridisciplinaire dédiée aux enfants.
Comment le métier de psychologue a-t-il évolué ?
Mon métier de psychologue a évolué de manière significative, reflétant à la fois l’évolution de mes connaissances scientifiques, des pratiques cliniques, et des besoins des patients.
Ma posture est beaucoup plus active de manière à ce que le patient se perçoive comme un acteur clé de son parcours de soin en l’accompagnant vers son autonomie et sa résilience.
J’ai ainsi élargi mes techniques thérapeutiques en intégrant des approches diversifiées comme la thérapie cognitivo-comportementale (TCC), l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing), l’hypnose et l’éducation thérapeutique, permettant de répondre à des problématiques variées comme le stress post traumatique, l’anxiété ou l’observance.
Je peux dire que j’ai développé une expertise dans l’accompagnement des patients atteints de maladies chroniques rares, comme le syndrome de Marfan, en ciblant des enjeux spécifiques tels que l’annonce de diagnostic, la transition enfant-adulte, ou les séquelles psychologiques d’événements médicaux graves.
J’ai aussi la chance de les accompagner dans des projets de vie comme le projet d’enfant.
Merci à Sylvie d'avoir accepté de répondre à nos questions et de livrer les secrets du métier de psychologue dans un centre maladies rares.
