Phénotypes mal décrits : un obstacle à la prise en charge des maladies rares

Il existe près de 7.000 maladies rares, soit près de 3 millions de patients en France et 300 millions dans le monde. La maladie rare est définie par une fréquence de moins d’un cas pour 2000 personnes. À l’AP-HM, pour prendre en charge ces patients, 87 centres sont répartis dans les services et accueillent plus de 50 000 patients par an. Tous les mardis, la plateforme d’expertise maladies rares de l’AP-HM partage avec vous les actions réalisées à l’hôpital : publications scientifiques, participations à une étude, présentations de centres ou d’événements, paroles de patients ou de soignants, etc. C’est une façon de mettre en valeur et faire connaître le travail remarquable des professionnels de santé pour accueillir et aider au mieux les patients et les familles touchés par les maladies rares. Suivez-nous sur notre site internet ou notre page LinkedIn.

 

Dans un article récent, le Professeur Alexandre Fabre, le Docteur Karine Aouchiche et le Professeur Rachel Reynaud ont exploré l'évolution des approches diagnostiques des maladies rares à la lumière des progrès de la génomique. Ils alertent sur les risques d'une description clinique incomplète de ces maladies.

 

Le Pr Fabre (à gauche), le Pr Reynaud (au centre) et le Dr Aouchiche (à droite) sont les auteurs de cette publication

Génotype et phénotype : quelles différences ?

Le génotype fait référence à l'ensemble des caractères génétiques spécifiques à un individu. Chaque gène porte l'information pour fabriquer une protéine. Un gène peut être modifié par une mutation (on parle alors d'allèle muté), ce qui entraine parfois l'absence ou la fabrication défectueuse de la protéine qu'il est censé coder.

 

Enfin le phénotype désigne l’ensemble des caractéristiques cliniques observables chez un individu, il dérive en grande partie du génotype.

 

Les caractéristiques cliniques spécifiques et donc le phénotype dépendent des gènes mutés.

Définir un phénotype : un processus long et difficile

On estime que 80 % des maladies rares ont une origine génétique. Les symptômes peuvent se manifester dès la naissance, pendant l'enfance, ou apparaître plus tard dans la vie.

 

Autrefois, les maladies rares étaient définies en fonction de leurs phénotypes, c'est-à-dire par un ensemble de signes cliniques qui permettaient de distinguer les patients des individus « normaux ». Cependant, cette approche est compliquée, car les symptômes sont souvent multiples et variés pour une même maladie génétique.

Le risque des approches génotypiques

Avec les avancées de la génomique et du séquençage, des approches basées sur les gènes sont devenues prépondérantes dans les maladies rares. Des médecins de l'AP-HM, travaillant dans des centres spécialisés dans les maladies rares, ont voulu discuter les risques associés à ces approches, qui dérivent parfois en des descriptions phénotypiques incomplètes.

 

Les auteurs soulignent, à travers l’exemple du syndrome d’Alagille et de l’atrophie microvilositaire que, même pour des maladies bien décrites, les descriptions cliniques restent souvent incompletes. Ils rappellent qu’il est essentiel de garder à l’esprit que, pour les maladies rares, "l’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence". Autrement dit, si un signe clinique n’est pas encore associé à une maladie rare, cela peut signifier soit que ce signe n’est effectivement pas lié à la maladie, soit que cette association n’a tout simplement pas été documentée jusqu’à présent.

 

Les auteurs ont élaboré des recommandations en ce sens :

 

  •  Encourager les rapports de cas (case report)

 

  • Créer une « check-list universelle » : Les auteurs proposent d’élaborer une liste basée sur les termes de l'HPO (human phenotype ontology), qui inclurait les signes cliniques essentiels à rapporter pour décrire de manière le plus exhaustif possible une pathologie rare.

 

  • Mettre en place des bases de données synthétisant les données cliniques

 

  • Favoriser les données de suivi : Étant donné que les rapports de cas concernent souvent des enfants, les résultats à l'âge adulte sont rarement inclus. Une solution pourrait être d'encourager de rapporter l’évolution des patients tous les cinq ans pour mieux comprendre l’évolution à long terme des maladies rares.

 

Un grand merci au Pr Alexandre Fabre, au Dr Karine Aouchiche et au Pr Rachel Reynaud pour ce travail, qui met en lumière, l’importance des données cliniques particulièrement à l’ère de la génomique dans les maladies rares.

 

Pour en savoir plus : lien vers l’article

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